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Citations sur Émile Nelligan et son oeuvre (88)

Le lac.

Remémore, mon coeur, devant l'onde qui fuit
De ce lac solennel, sous l'or de la vesprée,
Ce couple malheureux dont la barque éplorée
Y vint sombrer avec leur amour, une nuit.

Comme tout alentours se tourmente et sanglote !
Le vent verse les pleurs des astres aux roseaux,
Le lys s'y mire ainsi que l'azur plein d'oiseaux,
Comme pour y chercher une image qui flotte.

Mais rien n'en a surgi depuis le soir fatal
Où les amants sont morts enlaçant leurs deux vies,
Et les eaux en silence aux grèves d'or suivies
Disent qu'ils dorment bien sous leur calme cristal.

Ainsi la vie humaine est un grand lac qui dort
Plein, sous le masque froid des ondes déployées,
De blonds rêves déçus, d'illusions noyées,
Où l'Espoir vainement mire ses astres d'or.
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Roses d'octobre.

Pour ne pas voir choir les roses d'automne,
Cloître ton coeur mort en mon coeur tué.
Vers des soirs souffrants mon deuil s'est rué,
Parallèlement au mois monotone.

Le carmin tardif et joyeux détonne
Sur le bois dolent de roux ponctué...
Pour ne pas voir choir les roses d'automne,
Cloître ton coeur mort en mon coeur tué.

Là-bas, les cyprès ont l'aspect atone ;
À leur ombre on est vite habitué,
Sous terre un lit frais s'ouvre situé ;
Nous y dormirons tous deux, ma mignonne,

Pour ne pas voir choir les roses d'automne.
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La cloche dans la brume.

Écoutez, écoutez, ô ma pauvre âme ! Il pleure
Tout au loin dans la brume ! Une cloche ! Des sons
Gémissent sous le noir des nocturnes frissons,
Pendant qu'une tristesse immense nous effleure.

À quoi songiez-vous donc ? à quoi pensiez-vous tant ?...
Vous qui ne priez plus, ah ! serait-ce, pauvresse,
Que vous compariez soudain votre détresse
À la cloche qui rêve aux angélus d'antan ?...

Comme elle vous geignez, funèbre et monotone,
Comme elle vous tintez dans les brouillards d'automne,
Plainte de quelque église exilée en la nuit,

Et qui regrette avec de sonores souffrances
Les fidèles quittant son enceinte qui luit,
Comme vous regrettez l'exil des Espérances.
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L'ultimo angelo del Corregio.

Les yeux hagards, la joue pâlie,
Mais le coeur ferme et sans regret,
Dans sa mansarde d'Italie
Le divin Corrège expirait.

Autour de l'atroce grabat,
La bonne famille du maître
Cherche un peu de sa vie à mettre
Dans son coeur à peine qui bat.

Mais la vision cérébrale
Fomente la fièvre du corps,
Et son âme qu'agite un râle,
Sonne de bizarres accords.

Il veut peindre. Très lentement
De l'oreiller il se soulève,
Simulant quelque archange en rêve
En oubli du Ciel un moment.

Son oeil fouille la chambre toute,
Et soudain se fixe, étonné.
Il voit son modèle, il n'a doute,
Dans le berceau du dernier né.

Son jeune enfant près du panneau
Tout rose dans le linge orange,
A joint ses petites mains d'ange
Vers le cadre du Bambino.

Et sa filiale prière
À celle de l'Éden fait lien :
Dans du soir d'or italien,
Vision de blanche lumière.

" Vite qu'on m'apporte un pinceau !
" Mes couleurs ! crie le vieil artiste,
" Je veux peindre la pose triste
" De mon enfant dans son berceau.

" Mon pinceau ! délire Corrège,
" Je veux saisir en son essor
" Ce sublime idéal de neige
" Avant qu'il retourne au ciel d'or ! "

Comme il peint ! Comme sur la toile
Le génie coule à flot profond !
C'est un chérubin au chef blond,
En chemise couleur d'étoile.

Mais le peintre, pris tout à coup
D'un hoquet, retombe. Il expire.
Tandis que la sueur au cou
S'est figée en perle de cire.

Ainsi mourut l'artiste étrange
Dont le coeur d'idéal fut plein ;
Qui fit de son enfant un ange,
Avant d'en faire un orphelin.
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Le soulier de la morte.

Ce frêle soulier gris et or,
Aux boucles de soie embaumée,
Tel un mystérieux camée,
Entre mes mains, ce soir, il dort.

Tout à l'heure je le trouvai
Gisant au fond d'une commode...
Petit soulier d'ancienne mode,
Soulier du souvenir... Ave ! -

Depuis qu'elle s'en est allée,
Menée aux marches de Chopin,
Dormir pour jamais sous ce pin
Dans la froide et funèbre allée,

Je suis resté toute l'année
Broyé sous un fardeau de fer,
À vivre ainsi qu'en enfer,
Comme une pauvre âme damnée.

Et maintenant, coeur plein de noir,
Cette vigile de décembre,
Je le trouve au fond de ma chambre,
Soulier que son pied laissa choir.

Celui-là seul me fut laissé,
L'autre est sans doute chez les anges...
Et moi je cours pieds nus les fanges...
Mon âme est un soulier percé.
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Les balsamines.

En un fauteuil sculpté de son salon ducal,
La noble Viennoise, en gaze violette,
De ses doigts ivoirins pieusement feuillette
Le vélin s'élimant d'un missel monacal.

Et sa mémoire évoque, en rêve musical,
Ce pauvre guitariste aux yeux où se reflète
Le pur amour de l'art, qui, près de sa tablette,
Venait causer, humant des fleurs dans un bocal.

La lampe au soir vacille et le vieux Saxe sonne ;
Son livre d'heures épars, Madame qui frisonne
Regagne le grand lit d'argent digne des rois.

Des pleurs mouillent ses cils... Au fier blason des portes
Quand l'aube eut reflambé, sur le tapis hongrois
Le missel révélait des balsamines mortes...
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Thème sentimental.

Je t'ai vue un soir me sourire
Dans la planète des Bergers ;
Tu descendais à pas légers
Du seuil d'un château de porphyre.

Et ton oeil de diamant rare
Éblouissant le règne astral.
Femme, depuis, par mont ou val,
Femme, beau marbre de Carrare,

Ta voix me hante en sons chargés
De mystère et fait mon martyre,
Car toujours je te vois sourire
Dans la planète des Bergers.
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Soirs d'automne.

Voici que la tulipe et voilà que les roses,
Sous le geste massif des bronzes et des marbres,
Dans le Parc où l'Amour folâtre sous les arbres,
Chantent dans les longs soirs monotones et roses.

Dans les soirs a chanté la gaîté des parterres
Où danse au clair de lune en des poses obliques,
Et de grands souffles vont, lourds et mélancoliques,
Troubler le rêve blanc des oiseaux solitaires.

Voici que la tulipe et voilà que les roses
Et les lys cristallins, pourprés de crépuscule,
Rayonnent tristement au soleil qui recule,
Emportant la douleur des bêtes et des choses.

Et mon amour meurtri, comme une chair qui saigne,
Repose sa blessure et calme ses névroses.
Et voici que les lys, la tulipe et les roses
Pleurent les souvenirs où mon âme se baigne.
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Violons de villanelle.

Sous le clair de lune au frais du vallon,
Beaux gars à chefs bruns, belles à chef blond,
Au son du hautbois ou du violon
Dansez la villanelle.

La lande est noyée en des parfums bons.
Attisez la joie au feu des charbons ;
Allez-y gaiement, allez-y par bonds,
Dansez la villanelle.

Sur un banc de chêne ils sont là, les vieux,
Vous suivant avec des pleurs dans les yeux,
Lorsqu'en les frôlant vous passez joyeux...
Dansez la villanelle.

Allez-y gaiement ! que l'orbe d'argent
Croise sur vos fronts son reflet changeant ;
Bien avant dans la nuit, à la Saint-Jean
Dansez la villanelle.
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Les petits oiseaux.

Puisque Rusbrock m'enseigne
À moi, dont le coeur saigne
Sur tout ce qui se baigne
Dans le malheur,
À vous aimer, j'élève
Ma pensée à ce rêve :
De vous faire une grève
Avec mon coeur.

Là donc, oiseaux sauvages,
Contre tous les ravages,
Vous aurez vos rivages
Et vos abris :
Colombes, hirondelles,
Entre mes mains fidèles,
Oiseaux aux clairs coups d'ailes,
Ô colibris !

Sûrs vous pourrez y vivre
Sans peur des soirs de givre,
Où sous l'astre de cuivre,
Morne flambeau !
Souventes fois, cortège
Qu'un vent trop dur assiège,
Vous trouvez sous la neige
Votre tombeau.

Protégés sans relâche,
Ainsi contre un plomb lâche,
Quand je clorai ma tâche,
Membres raidis ;
Vous, par l'immense voûte
Me guiderez sans doute,
Connaissant mieux la route
Du Paradis !
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