AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Hatem_Gharsalli


En plongeant dans ce récit, court et poétique, il ne m'a pas été possible, au fur et à mesure que j'avançais dans ma lecture, de ne pas repenser au quatrième de couverture du livre (édition folio classique). On y relate que le narrateur fuit la belle Aurélie; une actrice pour laquelle il s'était épris. Il décide de quitter Paris pour Loisy - terre de son enfance -, où il retrouve Sylvie. Un amour de jeunesse, qu'il avait abandonné, en rencontrant Adrienne : une chanteuse d'opéra qui, « à peine entrevue était consacrée par sa famille à la vie religieuse ».

Il figure aussi, dans le synopsis, que " le rêve fait place au désenchantement: le retour à la nature, celle de l'enfance dans le Valois, n'est qu'un mythe, et le grand amour de jeunesse se révèle être une décevante paysanne. Et si ces deux femmes n'en formaient qu'une, 'deux moitiés d'un seul amour'?"

L'éditeur nous interroge et, par la même occasion, sous-entend ses conclusions. Mais à cette question, je tiens à donner la réplique.

Le retour à l'enfance engendre bien une désillusion chez le narrateur. Et en effet, les deux femmes sont des brisements d'un seul amour, qui peinent à se recoller. Cependant, je suis d'avis à ce que l'oeuvre soit placée dabs le contexte de l'époque, et aux déchirements intellectuels de l'auteur au moment de l'écriture. 'Sylvie' a été publiée en 1853. A cette époque Gérard de Nerval, au même titre que ses contemporains, abdiquait au basculement du romantisme vers le réalisme. Une mobilité qu'il avait accepté, trois ans plus tôt, lorsqu'il s'était proclamé comme un réaliste à l'anglaise (cf. Nuits d'Octobre).

Voilà maintenant comme il décrit son déchirement amoureux : « Tour à tour bleu et rose comme l'astre trompeur d'Aldébaran, c'était Adrienne ou Sylvie, – c'étaient les deux moitiés d'un seul amour. L'une était l'idéal sublime, l'autre la douce réalité ». Adrienne – cet idéal féminin – ne serait-elle pas, en réalité, l'idéal de l'art et de la littérature ?

Au dernier paragraphe du récit, Sylvie apprend au narrateur qu'Adrienne est morte depuis plusieurs années. le désenchantement du narrateur ne serait-il pas l'ébranlement De Nerval face au déclin du romantisme ?

Il est écrit aussi :« J'étais pressée de sortir de cette chambre où je ne trouvais rien du passé. – Vous ne travaillerez point à votre dentelle aujourd'hui… Sylvie. – Oh ! je ne fais plus de dentelle, on n'en demande plus dans le pays ». Sylvie ne serait-elle pas cette « douce réalité » où le réalisme est vainqueur ? Et ces deux femmes n'embrasaient-elles pas qu'un amour unique chez Nerval ? Celui de l'art et de la littérature.

Dans ‘Sylvie', le réel se confond avec les songes du narrateur. Son retour à Loisy ne serait-il que le fruit d'une somnolence ? Un rêve dans lequel se trouve un « Temple de la philosophie », où y sont étalés « des noms de la pensée qui commencent par Montaigne et Descartes et qui s'arrêtent à Rousseau. Cet édifice inachevé n'est déjà plus qu'une ruine ». Et ce même rêve, ne miroiterait-il pas les élucubrations de Gérard de Nerval ?





Commenter  J’apprécie          60



Ont apprécié cette critique (5)voir plus




{* *}