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Citations sur Les fils du pêcheur (17)

Vous savez, quand on court c’est étrange. C’est comme une sorte d’hypnose. Comme si on sortait de son propre corps. C’est comme si on se regardait. Comme si on était le spectateur de sa propre vie, si je peux utiliser des grands mots. C’est un beau spectacle car on se sent fort. Invulnérable. On transforme la douleur en plaisir. C’est une sensation de bien-être totale. J’appelais ça l’allégresse, mais ma fille m’a dit que ce n’était pas le bon mot… Il fallait plutôt parler d’euphorie. Ce sont les hormones que l’on produit dans l’effort qui sont responsables de ça, m’a dit mon gendre. Il faut toujours qu’il explique les choses par la science.
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Il nous avait fait remarquer le ciel si bas, si particulier et si beau de Brest, et la façon qu’il a de se perdre à la surface de l’eau grise de la rade. C’est comme si le ciel et la mer se confondaient. Comme si l’un et l’autre s’étiraient ainsi que le font les gros chats, rien que pour se toucher. J’ai revu ce phénomène une fois, sur un petit coteau de la Loire, entre Saumur et Angers, au-dessus d’un village qui s’appelle Le Thoureil : deux vieilles vignes qui avaient surmonté la palissade, qui s’étaient étirées de toutes leurs forces, pour finalement s’enserrer en une voûte. Elles faisaient comme un collier en se rejoignant de leurs jeunes pousses. Ou plutôt comme une couronne, voilà c’est ça, on aurait dit que toutes les deux, unies ainsi, elles couronnaient le ciel.
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— Tu es un peu dégoûté de la mer maintenant, Yvik, je me trompe ? a demandé Julien.
— Non, je ne suis pas dégoûté. La vérité, c’est que j’ai jamais vraiment aimé ça. Quand je le dis, les gens ont du mal à comprendre. Ils pensent tous que la vérité est au large. Mais qu’ils y aillent donc, au large, voir un peu ! Et ensuite on en rediscute. On me dit : « La liberté, la liberté. » Tu parles d’une liberté ! La mer est grande, certes, mais un bateau c’est une prison qui flotte, rien d’autre. Tu n’es jamais moins libre de tes mouvements que dans un canot. Tu es contraint par la mer, le vent, les embruns, la machine, la ressource et les sous. Tu parles d’une liberté ! Seulement à Ouessant, tu penses bien qu’on n’avait pas le choix dans le temps. C’était la pêche ici ou l’usine sur le continent, hein. Et moi j’avais pas envie de travailler toute ma vie avec un toit au-dessus de la tête. À tort ou à raison d’ailleurs, je me serais moins pelé à l’usine, c’est sûr.
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Avant le bosquet, sur la gauche en venant de la maison, on trouvait un vieux lavoir cerclé d’herbes hautes dans lequel on avait mis des truites arc-en-ciel achetées à la pisciculture d’à côté. Elles ont fini par être grosses comme des saumons à force de gober les coquillettes que leur balançait Clément après les avoir chipées dans le frigo et cachées sous son pull. Et ses tee-shirts qu’il tachait parce qu’il est maladroit comme tout, eh bien, ils sentaient le beurre cuit à cause de ça.
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Sûr qu’il devait être heureux.
Et pourtant il y a toujours eu comme de la mélancolie dans son regard, celle de l’enfance perdue, et on n’y peut rien, comme quand la ligne casse. On ne rattrape pas le poisson qui s’en va l’hameçon dans la gueule, c’est comme ça. Il a essayé de le cacher pendant longtemps. Nous n’étions dupes de rien avec les frères, mais on n’en parlait pas, ni entre nous ni avec lui.
Il voulait continuer de paraître grand et fort devant ses fils, quitte à en rajouter pour qu’on soit fier de lui, pour que l’on continue à le regarder d’en dessous comme font les gamins. C’était bien ce temps, petit, où le monde nous apparaissait en contre-plongée. Il devait trouver ça moins drôle de voir le monde d’en haut, je pensais.
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« C’est bon, j’ai pas vu Amicel. » Amicel était leur banquier, « le roi des Agios » comme le surnommait notre mère. Et moi, petit, je croyais que c’était un vrai roi et les « Agios » un peuple lointain, un peu comme les Pygmés ou bien les Incas, et j’éprouvais de l’orgueil à savoir que mes parents étaient intimes avec un roi, puisqu’il leur téléphonait régulièrement.
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Notre père nous disait, toutes les fois où nous nous baladions sur le pont d’Ar c’hwil : « Les petits, touchez à rien ! » Sûr qu’on ne touchait à rien, à part à la barre avec laquelle nous jouions comme font les enfants des Terriens quand ils s’amusent à tourner les volants des voitures.
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Car, même s’il aimait la mer d’un amour si fort que je ne saurais trouver les justes mots pour le dire, il voulait nous voir grandir, être là pour nous aider à souffler les bougies, nous apprendre à faire nos lacets, nous engueuler pour les mauvaises notes, nous taquiner avec notre mère, être le témoin de nos bonheurs et consoler nos peines. Il voulait des choses simples et petites, celles qui font une vie pleine et heureuse. Pour ça, il a réussi je crois. Mais je ne voudrais pas parler à sa place.
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Je vois sa main. Elle est celle d’un homme encore jeune. Elle caresse la coque d’Ar c’hwil qui n’a jamais vu la mer. Ar c’hwil est calé sur des linteaux. Ar c’hwil est tout de chêne et d’acier. C’est la dernière vérification. Bientôt, une grue soulèvera les grosses sangles noires qui l’entourent et le placera sur le camion du convoi exceptionnel qui le mènera au port. Là-bas, une autre grue le prendra, le soulèvera comme de rien. Elle pivotera sur elle-même. Elle allongera son bras. Elle fera descendre le câble de métal, et, tout doucement, elle le déposera. Ar c’hwil touchera l’eau. Le sel de la mer viendra se frotter à la peinture toute neuve. Avant de gonfler, le bois se contractera une seconde comme le corps fait au moment du premier bain des vacances d’été, quand on n’est pas encore habitué à la froidure de l’eau. À la salinité de l’écume.
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Je ne sais pas pourquoi il a décidé de l’appeler Ar c’hwil. Je ne le lui ai jamais demandé. On prononce « arwil ». Si on veut avoir l’accent, il faut appuyer sur le « il ». Ça signifie quelque chose comme « coquin » ou « sacré numéro ». « Ah lui, c’est un c’hwil ! » qu’on dit d’un enfant, et celui d’en face comprend tout de suite à quel genre de gamin on a affaire. Pas besoin de parler couramment breton pour ça.
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