Il existe un adversaire pire que celui qui n'a plus rien à perdre : celui qui, ayant tout, est prêt à tout sacrifier. (L. Davoust, Au-delà des murs)
La troupe s'ébranle, s'étire en un ruban sinueux le long de la pente. Elle escalade un coteau rocailleux où se devine encore la saignée d'une route pavée. Quoiqu'elle soit raide, cette côte n'est qu'une plaisanterie pour les montagnards. C'est un verrou, un épaulement à franchir avant de déboucher dans une vallée glaciaire. En d'autres circonstances, cela représentait la perspective d'une promenade tranquille, malgré l'air qui se raréfie à cette altitude. Mais dans la troupe du thane, les visages sont troublés. Même les huscarles n'ont pas le cœur à fanfaronner, car ce qui les attend, c'est la vallée de Wyrmdale, sa cité perdue et son dragon. (J-P. Jaworski, Désolation)
Elle avait menti. Elle avait menti afin qu'il se sente coupable. Afin qu'il soit détruit par l'idée d'avoir tout gâché. D'avoir tué pour rien, détruit lui-même ce qu'il guignait, et qu'il ignorait avoir déjà reçu. Non ! Mensonges. Infamie. Il était la victime. Pas le bourreau ! (N. Dau, Ton visage et mon coeur)
Laissé seul, il tira son épée tandis que les Fils du Sang restant se plaçaient en éventail autour de lui. Acculé, le bretteur savait ce qui l'attendait. Une flèche le cueillit par derrière, se fichant dans le creux de son genou. Il l'arracha d'un geste sec, provoquant une onde de douleur cuisante. Alors qu'il se redressait un trait s'enfonça dans son épaule. Une flèche lui perfora la cuisse. Une autre se planta dans sa fesse droite. Lardé de traits, épuisé, il lâcha son épée et s'effondra. Il tenta une dernière fois de se redresser mais s'en révéla incapable. Alors les Fils du Sang rangèrent leurs arcs et dégainèrent leurs lames. Ils vinrent à lui, silhouettes tatouées aux faces grimaçantes de triomphe. Il avait fait preuve de courage jusqu'au bout. Il se raccrocha à cette idée. Il mourut impuissant mais fier. Sans gémir, sans implorer, sans injures. (M. Robert, Qjörill l'assassin)
Je suis seule dans cette cellule. Seule avec la rage au ventre. Des souvenirs des anciens prisonniers affleurent, m'enveloppant d'impressions, d'images brumeuses. Lasse de lutter, je m'abandonne très légèrement à leur étreinte. Ce ne sont guère plus que des frôlements qui me permettent de fuir l'oppressant présent du cachot : colère de cet assassin, lion enfermé dans une cage trop exiguë ; larmes et tremblements de cette femme rongée par la drogue et la maladie ; accablement de cet homme à qui l'on a tout pris et qui s'est vengé. Toujours les mêmes histoires, toujours les mêmes rengaines : existences minables et désespérées, combines malsaines, morts en sursis. Cliquetis, crissements du bois frottant contre le métal. Je tourne les yeux vers la porte. Ça y est. On vient me chercher. (C. Bousquet, La stratégie de l'arraignée)
Nous étions couchés sous un arbre duveteux, mon flanc sur le sol, sa tête à elle sur mon côté. Je me souviens qu'il a commencé à pleuvoir. Nous n'avons pas bougé, alors j'ai poussé tout autour d'elle. Mes branches, mes vignes, tout autour de son visage. Mes rameaux au creux de ses cheveux. Elle avait des bois de cerf. Elle avait sa ramure magnifique. Nous étions enfin mélangés. Elle et moi, Cernunnos brisé. (Justine Niogret, Porter dans son sang l'artefact et l'antidote)