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Citations sur La généalogie de la morale (141)

Les maladifs sont le plus grand danger de l’homme : et non les méchants, non les « bêtes de proie ». Les disgraciés, les vaincus, les impotents de nature, ce sont eux, ce sont les plus débiles qui, parmi les hommes, minent surtout la vie, qui empoisonnent et mettent en question notre confiance en la vie, en l’homme, en nous-mêmes. Comment lui échapper, à ce regard fatal qui vous laisse une profonde tristesse ? ce regard rentré des mal venus dès l’origine qui nous révèle le langage qu’un tel homme se tient à lui-même, — ce regard qui est un soupir. […]
« Nous sommes les seuls bons, les seuls justes, s’écrient-ils, nous sommes les seuls homines bonæ voluntatis ». Ils passent au milieu de nous comme de vivants reproches, comme s’ils voulaient nous servir d’avertissements, — comme si la santé, la robustesse, la force, la fierté, le sentiment de la puissance étaient simplement des vices qu’il faudrait expier, amèrement expier : car, au fond, ils sont eux-mêmes prêts à faire expier, ils ont soif de jouer un rôle de bourreaux ! […]
Parmi eux il y a quantité de vindicatifs déguisés en juges, ayant toujours à la bouche, une bouche aux lèvres pincées, de la bave empoisonnée qu’ils appellent « justice » et qu’ils sont toujours prêts à lancer sur tout ce qui n’a pas l’air mécontent, sur tout ce qui, d’un cœur léger, suit son chemin. Parmi eux ne manque pas non plus cette répugnante espèce de gens vaniteux, avortons menteurs qui veulent représenter les « belles âmes » et lancer sur le marché, drapée dans de la poésie et d’autres fioritures, leur sensualité estropiée, décorée du nom de « pureté du cœur » ! c’est l’espèce des onanistes moraux qui se satisfont d’eux-mêmes. Le désir des malades de représenter la supériorité sous une forme quelconque, leur instinct à découvrir des voies détournées conduisant à la tyrannie sur les hommes bien portants — où ne la trouve-t-on pas cette aspiration des faibles, justement des plus faibles, vers la puissance ?
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L’homme en a assez, souvent il se produit de véritables épidémies de cette satiété de vivre (— ainsi vers 1348, aux temps de la danse macabre) : mais ce dégoût même, cette lassitude, ce mépris de soi, — tout cela déborde chez lui, avec tant de violence, qu’il renaît aussitôt des liens nouveaux. La négation qu’il lance à la vie met en lumière, comme par miracle, une quantité d’affirmations plus délicates ; oui, même quand il se blesse, ce maître destructeur, destructeur de lui-même, — c’est encore la blessure qui le contraint à vivre…
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Car l’homme est plus malade, plus incertain, plus changeant, plus inconsistant qu’aucun autre animal, il n’y a pas à en douter, — il est l’animal malade par excellence […].
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L’idéal ascétique a sa source dans l’instinct prophylactique d’une vie dégénérescente qui cherche à se guérir, qui, par tous les moyens, s’efforce de se conserver, qui lutte pour l’existence ; il est l’indice d’une dépression et d’un épuisement physiologique partiels, contre lesquels se raidissent sans cesse les instincts les plus profonds et les plus intacts de la vie, avec des inventions et des artifices toujours nouveaux.
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Car une vie ascétique est une flagrante contradiction : un ressentiment sans exemple domine, celui d’un instinct qui n’est pas satisfait, d’un désir de puissance qui voudrait se rendre maître, non de quelque chose dans la vie, mais de la vie même, de ses conditions les plus profondes, les plus fortes, les plus fondamentales ; il est fait une tentative d’user la force à tarir la source de la force ; on voit le regard haineux et mauvais se tourner même contre la prospérité physiologique, en particulier contre l’expression de cette prospérité, la beauté, la joie ; tandis que les choses manquées, dégénérées, la souffrance, la maladie, la laideur, le dommage volontaire, la mutilation, les mortifications, le sacrifice de soi sont recherchés à l’égal d’une jouissance. Tout cela est paradoxal au suprême degré : nous nous trouvons ici devant une désunion qui se veut désunie, qui jouit de soi-même par cette souffrance et qui devient même toujours plus sûre de soi et plus triomphante, à mesure que sa condition première, sa vitalité physiologique va en décroissance.
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Lus d’une planète lointaine les caractères majuscules de notre existence terrestre amèneraient peut-être à la conclusion que la terre est la véritable planète ascétique, un coin de créatures mécontentes, arrogantes et répugnantes qui ne peuvent se débarrasser du profond déplaisir qu’elles se causent à elles-mêmes, que leur cause le monde, l’existence et qui voudraient se faire mal : — apparemment leur unique plaisir.
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Cette attitude particulière au philosophe, qui le fait s’éloigner du monde, cette manière d’être qui renie le monde, se montre hostile à la vie, de sens incrédule, austère, et qui s’est maintenue jusqu’à nos jours de façon à passer pour l’attitude philosophique par excellence — cette attitude est avant tout une conséquence des conditions forcées, indispensables à la naissance et au développement de la philosophie : car, pendant très longtemps, la philosophie n’aurait pas du tout été possible sur terre sans un masque et un travestissement ascétique, sans malentendu ascétique.
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On peut d’ailleurs s’expliquer, d’après cette interprétation, le cas de Schopenhauer dont j’ai déjà parlé : l’aspect de la beauté agissait évidemment chez lui comme une irritation sur la force principale de sa nature (la force de réflexion et la pénétration du regard) ; cette force faisant explosion se rendait, d’un seul coup, maîtresse de ta conscience.
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Nous autres philosophes nous avons surtout besoin d’un repos, le repos des choses d’ « aujourd’hui ». Nous vénérons ce qui est tranquille, froid, noble, lointain, passé, toute chose enfin dont l’aspect ne force pas l’âme à se défendre et à se garer, — toute chose à qui l’on peut parler sans élever la voix.
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Parmi les grands philosophes, lequel était marié ? Héraclite, Platon, Descartes, Spinoza, Leibniz, Kant, Schopenhauer — ils ne l’étaient point ; bien plus, on ne pourrait même se les imaginer mariés. Un philosophe marié a sa place dans la comédie, telle est ma thèse : et Socrate, seule exception, le malicieux Socrate, s’est, semble-t-il, marié par ironie, précisément pour démontrer la vérité de cette thèse.
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