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Citations sur Mordre le bouclier (43)

Et aussi la femme se surprit à voir le chemin continuer à s’élargir ; il prenait de la place, il demandait ses aises et les champs les lui offraient. Parfois, deux canaux caillouteux coulaient de chaque côté de ces herbes que le vent caressait autant que l’eau le fait des algues. Et ils coulaient, si fait, tout comme une rivière roulant sous les pieds des deux femmes et qu’elles descendaient un peu plus chaque jour. C’était comme suivre un ru au creux d’un champ herbu, un ru dont le castel de Broe aurait été la source, arriver à un bras de rivière, et le suivre encore jusqu’à l’affluent, puis au fleuve, et parvenir à une ville qui serait semblable à une mer.
Chien la redoutait, cette mer ; elle avait déjà vu des villes, et elle l’avait dit à Bréhyr. Mais la grande guerrière avait ri, et répondu simplement : « Oh Chien, pas comme celle-ci. Naje, pas comme celle-ci. » Alors Bréhyr, sentant la méfiance de sa compagne de route, lui présenta ce qu’elle savait de ce bourg gigantesque ; et elle avait beau parler tout le long du jour, il y avait tant à dire que Chien se demanda si la femme se tairait à nouveau. Avec la parole de Bréhyr, la guerrière comprit que pour les habitants des rues et des maisons, le dehors de leurs murailles semblait menaçant et brutal autant qu’il était possible. Il leur fallait ce rideau de pierres pour cacher les routes et les forêts, et le reste du monde. Ce territoire, pourtant plus grand que n’importe quelle ville, était nommé désert comme si tout ce qui s’y trouvait pouvait disparaître sans que les véritables gens de bien en sachent quelque chose ou s’en soucient. Ce désert était saleté et pourrissement, champignons et boue, là où les murs et les toits collés les uns aux autres devaient présenter la droiture, la propreté et les tissus chauds jetés en surplus sur les couvertures des lits. C’était tout un système de monnaies passées de main en main que découvrait Chien en écoutant l’autre femme, elle qui n’avait jamais vécu que d’échanges et de dons, dans un sens comme dans l’autre, et pour qui une pièce d’argent représentait encore un objet trouble, bâtard, une possession ne servant qu’à en acheter une autre qu’elle aurait pu troquer. Et pourtant elle écoutait bien et fort, touchant sa hache, la sortant de son anneau, la prenant en main comme une enfançonne saisit sa poupée quand on la sermonne pour y chercher un réconfort. Elle se rendit compte que, écoutant Bréhyr, marchant d’un pas rapide, elle commençait à tourner son arme dans ce qui restait de ses mains ; son corps s’ennuyait de sa lame, la réclamait. Ces histoires de pierres et de cheminées semblaient exciter son corps à la façon d’une fièvre, comme si, dans ces murs pas encore atteints, se lovaient une menace ou une insulte, contre laquelle il faudrait se défendre.
Au début elle fit tomber son fer, et la grande guerrière, attendant la petite, gardait ses mots le temps que l’autre se baisse, ramasse sa hache et fasse les trois pas en avant pour la rejoindre ; puis elle continuait son histoire comme si rien ne l’avait arrêtée. Elle avait vu de la ville et du pays, Bréhyr, et elle avait compris ce que Chien, elle, n’avait jamais pensé imaginer. Les rivages du monde de la mercenaire étaient tout petits, tant elle avait vécu dans le sombre à la frontière brumeuse du monde des hommes. Elle avait toujours regardé par un trou de serrure rouillé et la porte s’ouvrait maintenant pour lui montrer la salle immense. Bréhyr, elle, savait les couleurs des robes des bourgeois, et l’odeur du métal d’argent des échoppes des changeurs de monnaie ; la forme de la tête des genettes qu’on trouvait les plus belles, et comment les armes étaient tournées, dans ces endroits où l’acier ne servait plus qu’à se montrer à la ceinture ou à manger à table. Elle connaissait le prix des auberges bien famées, et comment le drap des hôtels grattait à la chair ; que les filles des étuves cachaient trop souvent un gros ventre sous leurs anciennes chemises de pucelles, et que certains hommes des tavernes louaient parfois leur bouche aux voyageurs fatigués. Elle pouvait même écrire un peu, et lire beaucoup, et compter assez pour dire combien il y avait de choses moultes comme les mûres ou les noix, ou encore de ces objets qui semblent toute une foule. Chien l’écoutait en silence, et le matin où elle lança sa hache en l’air et la reprit d’une main presque sûre, elle en fut si heureuse qu’elle la planta dans le tronc d’un noyer qui se penchait sur la route, par simple bon plaisir.
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Elle aussi connaissait les blessures si profondes que personne ne les entend, comme ces rivières sous la terre qu'on ignore toute une vie.
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Il semble que tu aies gagné en langue ce que tu as perdu en doigts, mon amie. Je préférais tes questions avant. Quand tu ne les posais pas, de fait.
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Je n’aime guère parler, ni qu’on me parle, si fait. Je trouve la parole épaisse et bourbeuse là où l’écrit cisèle et purifie la pensée.
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Tes parents ne sont plus là pour te faire du mal mais tu as repris leur œuvre et tu la fais bien. Tu ne mérites pas de te blesser autant que tu le peux. Il faudrait que tu l’entendes que tu es aimable dans le seul véritable sens du mot.
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Dites-moi le jour que vous aimeriez vivre à jamais. Le jour où la tempête dans votre tête s’est tue. Le seul jour de calme pur.
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Etre à deux, c’est tenir la main pendant la vie et après encore, ne jamais lâcher, être là. C’est savoir, c’est la lumière et la tiédeur des matins.
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Les hommes et les femmes se frottent trop souvent le ventre en imaginant qu’il suffirait à l’autre de se transformer un peu pour être tout comme on désire.
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En vérité, en toute dernière vérité, Chien, tu ne connais rien de la guerre. Tu portes bien ton nom, car tu mords jusqu'à l'égarement, mais tu ignores tout des batailles des humains.
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La foi ne se force pas, elle ne peut que s'abandonner là où l'on passe, comme une peau, comme un parfum.
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