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sur 312 notes
Veena est l'une des prostituées de la Ruelle, dans le bas-fond d'une ville située au Nord de l'Inde. Sa fille Chinti, aujourd'hui âgée de dix ans, est devenue la mascotte de tous les parias du quartier : les prostituées, mais aussi la petite communauté de hijras, ces transsexuels qui vivent en marge de la société indienne, avec un statut plus bas encore que celui des Intouchables. Aussi, lorsqu'un client de Veena, le puissant swami Shivnath qui se prend pour l'un des dieux du temple où il officie, kidnappe Shinti et l'emmène en pèlerinage à Bénarès pour couvrir ses appétits pédophiles, c'est tout le groupe de ces femmes méprisées, en tête desquelles Veena et Sadhana – Guru des hijras de la Ruelle –, qui s'élance sur ses traces pour récupérer Chinti et la venger.


Ce n'est sans doute pas un hasard si Ananda Devi a choisi de situer son roman dans l'Uttar Pradesh. Cet état, le plus peuplé et l'un des plus pauvres de l'Inde, est aujourd'hui dirigé par un moine hindou nationaliste à l'image extrémiste, déjà condamné pour incitation à la violence, qui n'hésite pas à se targuer de pouvoirs magiques acquis au travers de rituels et de la pratique du yoga. Au travers du personnage fictif de Shivnath, chef religieux amoral et mégalomane, usant sans vergogne d'un pouvoir sans limite assis sur les privilèges de la caste brahmane et sur la crédulité d'une population si misérable qu'il ne lui reste pour viatique que le sourire des dieux qu'on lui fait cyniquement miroiter, ce n'est, ni plus ni moins, ce que certains appellent la dystopie hindouiste de l'Uttar Pradesh que déplore et ridiculise cette histoire.


Aux antipodes du mirage clinquant des idoles et de la folie de leurs maîtres, grouille une population semblable à une « marée de chair », harassée par l'effort de survivre jour après jour, sur une terre aux allures de géhenne. Au plus noir de cet enfer, là où s'efface quasiment jusqu'à leur statut d'êtres humains, des parias subissent leur sort sans espoir : femmes vouées sans échappatoire à la prostitution, transsexuels rejetés dans un étrange mélange de crainte et de respect. Curieuse place qu'ont les hijras dans la société indienne : ni hommes ni femmes, elles sont désormais légalement reconnues dans le pays comme un troisième genre, mais, déclassées des structures sociales de base de la famille et des castes, elles se rassemblent en communautés hermétiques et soudées, encadrées par des règles fortes d'appartenance, dont un rituel d'intégration passant par une émasculation à vif, sans anesthésie.


De la violence faite aux femmes et de l'asservissement de leurs corps, à l'emprise spirituelle d'une population soumise à de dangereux chefs religieux, Ananda Devi nous dépeint une société indienne au foisonnement étouffant et d'une violence écrasante, qu'une étincelle semble pouvoir embraser dans d'incontrôlables mouvements de foule. Son récit aussi poétique qu'incisif nous livre une série de tableaux, tous plus hallucinants les uns que les autres, qu'il s'agisse du cauchemar des bas-fonds où l'on reste invisible jusque dans la mort, du gigantisme d'un pèlerinage semblable à une marée humaine, de la somptuosité qui pare les idoles dans les temples, ou de l'atmosphère crépusculaire des bûchers funéraires de Bénarès. Frappé d'un effroi mêlé de sidération, le lecteur sentira sa tendresse croître pour ces femmes encore capables de se révolter du fond de leur détresse, sinon pour elles-mêmes, pour le sort d'une enfant.


Un roman d'une grande puissance et d'une vraie poésie, où se dessine une Inde de contrastes, colorée, misérable et mystique, où s'il ne fait pas toujours bon être femme, il est sans doute encore pire de n'être ni femme, ni homme, et parfois, tout simplement un enfant.

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J'émerge à l'instant de la boue du bout du monde, de la fange du Gange où doit éclore une déesse à Bénares pour étancher la bassesse des hommes.
Chinti, dix ans sera la fille de Kali, c'est Shivnath l'homme de Dieu qui le veut et qui pour ça, l'emporte. « Son corps est si léger et si lourd de promesses… »

Ananda Devi avouait à la grande librairie que la genèse de ce livre est due à un choc ressenti lorsqu'elle a vu des myriades de prostituées suivre les pèlerinages religieux afin de satisfaire les pulsions sexuelles des pèlerins bien plus conséquentes pour parfaire la purification et mieux se concentrer sur la dévotion.
« Imaginez que leur sexe les trahisse au milieu de la prière, parmi tous les pèlerins. »
Pauvres petits hommes asservis au rigide lingam inassouvi !

Dès les premières lignes le ton est donné, ma zone de confort a été bien vite dépassée lorsque je me suis retrouvé projeté dans la Ruelle suffocante de puanteur et de misère où Veena se donne chaque nuit, juste pour survivre avec sa fille Chinti confinée, abandonnée sans amour derrière un morceau de contreplaqué.
« Survivre ne vous donne guère le temps de vous préoccuper d'amour. »
De cette même Ruelle, Sadhana, une hijra offrira à Chinti sa tendre affection, véritable bouffée d'oxygène dans cette atmosphère crasseuse et corrompue. Ces femmes qui naissent dans un corps d'homme, constituent le troisième sexe présent depuis 4000 ans en Inde.
Elles obtiennent leur divinité dans l'émasculation au couteau qui leurs confèrent la possibilité de donner la bénédiction aux mariages et aux naissances.
Cependant, la majorité des hommes leurs crachent dessus et les agressent.
« Notre aura semble à certains un pouvoir obscur, d'autres y voient une barrière insupportable. »
Toutes ces femmes de riens vont se liguer pour faire exploser les desseins de Shivnath, bouffi de son outrageuse sainteté.

De cette glaise de fatalité putride Ananda Devi extirpe la noirceur de l'inhumanité pour façonner un roman de colère et d'exaspération qui tel un Golem doit ravager l'ignorance, bannir la pédophilie, éradiquer les viols et faire germer des sentiments plus sages, des existences plus équilibrées dans ce pays où la religion excuse tout aux hommes.

De cette histoire vous en connaissez maintenant l'essentiel mais vous n'en avez toujours pas les mots qui cisaillent, qui percutent, qui fouillent et surpassent la haine, l'amour et la mort.

N'hésitez pas.




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Veena est une prostituée comme tant d'autres qui vit dans « La Ruelle », dans un taudis. Elle a eu une fille dont elle ne voulait pas et pour nier son existence, vue l'absence d'avenir qui la guette, elle ne lui a même pas donné de nom.

A 9 ans, l'enfant qui a grandi tant bien que mal dans cet univers sordide, rabrouée par sa mère, mais un peu choyée quand même par les autres prostituées, observe derrière une fente, dans le réduit où elle est cachée pour ne pas susciter la convoitise de hommes, ce que ceux-ci font subir à sa mère, telle une fourmi, qui passe inaperçue. Elle décide de s'appeler Chinti, c'est-à-dire fourmi.

Dans la maison d'en face, vit Sadhana, jeune homme transgenre qui a dû fuir sa famille maltraitante (il est une honte pour eux !). Recueillie par d'autres « Hijra » comme elle, elle se fait émasculer… ce qui donne une scène terrible. Sadhana s'attache à la petite fille.

J'ai choisi de découvrir ce roman car l'Inde est un pays que j'aime malgré son système de castes, le statut qu'elle réserve aux femmes, des transgenres, ses inégalités depuis des lustres. Et, on ne peut pas dire que les choses se soient arrangées pour elles avec l'arrivée au pouvoir d'un intégriste hindouiste. J'aime ce pays dont je connais un peu quelques régions, mais je ne baigne pas dans l'angélisme à son sujet.

Ce roman m'a saisie aux tripes, j'ai ressenti la colère de Veena, et aimé sa transformation au cours des évènements, j'ai eu envie de trucider maintes fois ce religieux cinglé pédophile qu'est Shivnath… Les intégristes de tout poil me hérissent, ce n'est pas nouveau et on en trouve hélas dans toutes les religions. « La religion est l'opium du peuple » comme l'a dit si justement qui vous savez…

Le statut (enfin l'absence de statut) des Hijras m'a beaucoup touchée et notamment le personnage de Sadhana, sa vie, sa souffrance et sa capacité d'amour. On se sent proche, en tant que femme, de ce qu'elles vivent ainsi que les prostituées, tandis que résonne, comme un cri de guerre, le rire des déesses, joli titre soit dit en passant…

Ananda Devi décrit très bien la situation des femmes dans ce pays, avec une écriture imagée, on sent les odeurs, l'encens, les fruits autant que les ordures, on perçoit la ferveur lors du pèlerinage vers Bénarès et la purification dans le Gange et à côté ces pèlerins qui ne perdent jamais une occasion de profiter des prostituées. Où sont passées la dévotion ? La purification ?

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Grasset qui m'ont permis de découvrir ce roman et la plume de son auteure dont je lirai probablement les autres livres si ma PAL me la permet.

#Leriredesdéesses #NetGalleyFrance
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Passionnée de littérature indienne ou toutes oeuvres se rapportant à l'Inde, j'ai de suite souhaité livre ce roman d'Ananda Devi.

Veena, une jeune femme qui " porte sa rage en bannière ", prostituée au coeur de la Ruelle, est mère de la petite Chinti. Chinti c'est elle même qui s'est donnée son prénom, sa mère n'avait jamais senti le besoin de l'appeler autrement que l'enfant. Car elle n'avait pas souhaité, désiré cette enfant. Ainsi pensait-elle quand ne lui donnant aucun nom, elle disparaitrait facilement.

Mais le destin a été tout autre.

Chinti découvre le monde proche d'elle avec des yeux et une âme d'enfant. Elle devient le soleil de toutes ces femmes, et surtout de Sadhana, la hijra de la maison d'à côté.

Ainsi Chinti " vogue sur un nuage d'illusions " quand un jour elle ressent un amour particulier pour le swani Shivnath, le maître, un homme aux apparences saintes. Toute sa confiance va vers lui. Cette petite fille en manque de tendresse et d'amour certain, s'abandonne en toute innocence aux bras de celui qui lui promet une vie meilleure : " Tu seras traitée comme une princesse. Tu ne seras plus jamais pauvre. "

En effet et si Chinti était déesse, fille de Kali ?

Le rire des déesses est un roman puissant mettant en scène les femmes abusées, maltraitées, esclaves par des hommes guidés seulement par leur lingam ! Cette histoire racontée se déroule en Inde, mais sachons bien que les Indiens ne sont pas plus hommes-bestiaux qu'ailleurs dans le monde. C'est universel cette idée que certains hommes profitent de la faiblesse des femmes, des jeunes filles, des enfants même. Comme le souligne le Swani, agissant en pleine conscience, l'hypocrisie règne partout autant en Occident qu'en Orient ....

Enfin l'auteure nous mènent dans une danse folle à la fois décadente et qui a force de volonté prend un tout autre sens. Un chemin nouveau peut s'ouvrir pour entendre le rire des déesses !

Merci infiniment à la plateforme NetGalley et à la fidèle confiance des Éditions Grasset

#Leriredesdéesses #NetGalleyFrance
#universelicec
#rentreelitteraire2021
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Calcutta, les bas fonds. Une ruelle. Là où des prostituées accueillent des hommes de passages.
Veena, l'une de celles-ci, met au monde un enfant. C'est une fille. Veena hésite – mais non, elle va la garder, la cacher derrière une mince cloison pendant que les hommes se succèdent à côté. Cette fille n'a même pas de nom. Parfois, lassée par ses cris, Veena lui donne le sein. Mais pas d'amour : trop risqué de s'attacher.

La petite grandit malgré tout. Elle se baptise elle-même : ce sera « Chinti » ce qui signifie fourmi. Insignifiante, justement, Chinti grandit dans la rue. Quelques autres prostituées s'intéressent à elles, et l'accueillent à leurs côtés. Mais c'est surtout une « Hijra » qui va l'accueillir.
Sadhana – c'est son nom - va prendre la parole dans ce récit. C'est elle qui va raconter son histoire – des pages incroyables sur l'évènement de l'émasculation, effectuée à vif, sans anesthésie par exemple – et c'est elle qui va organiser la suite.

Car bien sûr, il y a un problème. Ce problème s'incarne dans un religieux – excellente critique de ces faux prêcheurs que le peuple suit benoitement – qui s'appelle Shivnath et qui fréquente Veena. Mais il s'en lasse très rapidement. Par contre il a aperçu Chinti, qui va alors vers ses 10 ans, et celle-ci l'attire irrésistiblement. Alors il va vouloir en faire « sa chose » et l'emporte avec lui, au grand dam de Veena et de toutes les femmes de la Ruelle – y compris Sadhana et ses amies Hijras qui vont jouer un rôle décisif dans cette histoire qui se déplace alors à Bénarès.

J'avoue avoir un peu de mal au début de cette lecture, devant le caractère caricatural des personnages – jusqu'à ce que je comprenne qu'il faut le comprendre comme un conte.

Un conte qui dénonce la domination masculine en Inde, où les femmes sont forcément inférieures. Ananda Devi vilipende le système où les prostituées sont la lie de la société et où on n'accorde aucune importance à celles qui disparaissent, un système où de pseudo religieux peuvent commettre le pire au nom de leur foi, où les transsexuels sont bafoués – dans ce roman Calcutta, les bas fonds. Une ruelle. Là où des prostituées accueillent des hommes de passages.
Veena, l'une de celles-ci, met au monde un enfant. C'est une fille. Veena hésite – mais non, elle va la garder, la cacher derrière une mince cloison pendant que les hommes se succèdent à côté. Cette fille n'a même pas de nom. Parfois, lassée par ses cris, Veena lui donne le sein. Mais pas d'amour : trop risqué de s'attacher.
La petite grandit malgré tout. Elle se baptise elle-même : ce sera « Chinti » ce qui signifie fourmi. Insignifiante, justement, Chinti grandit dans la rue. Quelques autres prostituées s'intéressent à elles, et l'accueillent à leurs côtés. Mais c'est surtout une « Hijra » qui va l'accueillir.
Sadhana – c'est son nom - va prendre la parole dans ce récit. C'est elle qui va raconter son histoire – des pages incroyables sur l'évènement de l'émasculation, effectuée à vif, sans anesthésie par exemple – et c'est elle qui va organiser la suite.
Car bien sûr, il y a un problème. Ce problème s'incarne dans un religieux – excellente critique de ces faux prêcheurs que le peuple suit benoitement – qui s'appelle Shivnath et qui fréquente Veena. Mais il s'en lasse très rapidement. Par contre il a aperçu Chinti, qui va alors vers ses 10 ans, et celle-ci l'attire irrésistiblement. Alors il va vouloir en faire « sa chose » et l'emporte avec lui, au grand dam de Veena et de toutes les femmes de la Ruelle – y compris Sadhana et ses amies Hijras qui vont jouer un rôle décisif dans cette histoire qui se déplace alors à Bénarès.
J'avoue avoir un peu de mal au début de cette lecture, devant le caractère caricatural des personnages – jusqu'à ce que je comprenne qu'il faut le comprendre comme un conte.
Un conte qui dénonce la domination masculine en Inde, où les femmes sont forcément inférieures. Ananda Devi vilipende le système où les prostituées sont la lie de la société et où on n'accorde aucune importance à celles qui disparaissent, un système où de pseudo religieux peuvent commettre le pire au nom de leur foi, où les transsexuels sont bafoués – dans ce roman Sadhana manque de peut mourir sous les coups d'un homme qui a découvert son émasculation.

Mais c'est pour toutes les femmes qu'Ananda Devi se bat : pour celles de Calcutta, qu'elle a rencontré à l'occasion de l'un de ses voyages, mais aussi toutes les femmes méprisées.
On peut penser aux femmes afghanes, qui sont aujourd'hui la proie des talibans, mais aussi à l'Occident, qui croit avoir réglé la question de la prostitution, mais où la pornographie révèle un monde sordide qui détruit les femmes des Pays de l'Est attirées par de pseudos bienfaiteurs (il y a quelques semaines un reportage du Journal « le Monde » sur le monde ignoble de la pornographie m'a fait frémir).

Ananda Devi pousse ce cri pour toutes ces femmes et elle a bien raison.

Si la fin onirique est un cri de vengeance pour toutes celles qui subissent la violence de ces sociétés inhumaines, Ananda Devi a raison de continuer le combat qu'elle mène depuis ses premiers écrits. On pense par moment à Arundhati Roy et son « Ministère du bonheur suprême » qui parle des transgenres : le combat pour la reconnaissance des droits des LGBT en particulier, et des femmes en général dans de nombreuses sociétés, est loin d'être terminé.
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Dans ce livre flamboyant , haletant ,l'auteure donne la parole à un groupe de prostituées indiennes , au coeur d'une ville au nord du pays .
La Ruelle semble un monde à part ,avec ses relents d'eau croupie, jamais évacuées , ses tas d'ordures accumulées .
Y vivent des femmes échouées- là , sorte de cloaque où elles vendent leur corps pour survivre , les hommes se succèdent , tous différents : bruits de bêtes en bataille qui dévorent entre autres Veena , toujours en colère, et de mauvaise humeur, elle, porte sa rage en bandoulière , mère de la petite Chinti , la fourmi, à l'intelligence fine, délaissée par sa mère , mal aimée , ignorant la tendresse , Kavita , née aveugle, abandonnée par sa famille , Gowri , amenée par son oncle, qui l'a violée durant toute une nuit ,Janice ,au visage fort laid , au corps magnifiquement indécent , Bholi ,amie de Chinti , que l'on croit idiote , mais qui ne l'est pas,…
La beauté de ces femmes ne dure jamais longtemps ,dans ces corps aux vêtements bariolés de jaune safran , se cachent des traces de boue .
Ils ne masquent pas ou très peu, malgré les mauvais parfums dont elles s'aspergent les relents de sperme mal nettoyé .
Veena est encore belle et elle cache sa petite fille âgée d'une dizaine d'années .
La petite apprend à se taire lorsque sa mère reçoit des hommes.
Les autres femmes protègent la fillette , surtout Sadahana ,hijra, femme transgenre rejetée par cette société pour être née dans un corps d'homme, qui décrit son émasculation , sa métamorphose dans la douleur .
Mais leurs destins basculeront le jour où Shivnath, , un soi - disant Sant - Homme , homme de foi perverti , corrompu, tombe amoureux de Chinti, désire sa chair fraîche et sa silhouette gracieuse .
L'auteure dénonce , dans ce roman, commencé comme une fiction sociale ,dans un pays où l'homme domine tout , la perversité de Shivnath , ce faux religieux , qui fait enlever l'enfant ,Veena , en mère courageuse et toutes les habitantes de la Ruelle décident de se révolter, ces femmes se métamorphosent en une armée furtive, elles vont tout tenter , pareil à un cri de guerre , de bouleversement , de révolte , enfin ! .
Le rire des prostituées tourne en grande dérision la vulgarité de leurs clients , ce qui leur a permis de tenir à distance la brutalité de leur quotidien .
L'auteure fouille avec talent les questions de notre temps: une ode aux femmes et au final , à la liberté , la révolte contre l'insoutenable, la place des femmes et des transsexuels , les folies de la foi, la religion ,l'amour et la colère .
Ce roman est aussi un cri d'amour universel et de reconnaissance à travers l'identité plurielle de Sadhana, hijra , bannie par la société , que l'épreuve de l'émasculation n' a pas réussi à briser .
L'écriture est magnifique , lyrique , chatoyante , musicale …. tranchante , semblable à un chant d'espoir et de révolte .
Un très beau livre qui dormait dans ma bibliothèque ….
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l'Uttar Pradesh est un Etat du Nord de la République indienne, certainement l'un des états les plus pauvres du pays .Benarès,la ville la plus sacrée de l'hindouisme en est le plus beau joyau . Une petite ville encore plus pauvre, le quartier des prostituées et la Ruelle là où elles exercent le seul métier qui leur soit permis.. Veena est l'une d'entre elles. Chinti, sa fille, 10 ans, est pour elle un obstacle à sa survie ... jusqu'au jour un "homme saint " devient un client assidu. Shivnath, un swami, un homme de Dieu, fils de Brahmane, Brahmane lui-même, a su profiter de la naiveté de ses fidèles, amassant or et richesses à son seul bénéfice, cachant ses vices sous un voile de respectabilité jusqu'au moment où son monde bascule , le jour où il croise le regard de Chinti.
Ce roman servi par la très belle plume d'Ananda Devi, est un long chemin de violence, d'humiliation, de domination du phallus sans contrepartie. le rire des déesses peut-il se transformer en cris de rage et de victoire?
Ce roman militant, féministe, dénonce une société régie depuis des siècles par des codes précis. Ce message s'adresse, me semble t'il, d'avantage aux membres de cette société qu'au lecteur occidental peu ou pas apte à comprendre les faits rapportés ce qui mon cas. Je suis donc en grande partie restée dans un rôle de spectatrice attentive mais incompétente.
Merci aux éditions Grasset pour ce partage via netgalley #Leriredesdéesses #NetGalleyFrance !
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Dans une grande ville du nord de l'Inde, non loin de Bénarès, une rue concentre la misère et la tristesse, on la nomme la Ruelle, c'est là, dans de minuscules taudis, que vivent et travaillent les prostituées. Veena est l'une d'entre elles, elle est arrivée à la Ruelle enceinte et bien décidée à ne pas tenir compte de cet enfant à naître. La petite fille, à qui sa mère n'a pas donné de nom, apprend très vite à se cacher dans un coin, à ne pas faire de bruit. Mais alors qu'elle atteint dix ans, l'enfant, qui s'est baptisée elle-même Chinti, va attirer l'attention d'un client de Veena, un homme qui tire sa richesse d'une religion dévoyée. Dans la Ruelle vivent aussi les hijras, une communauté traditionnelle d'hommes devenus femmes. Voilà pour ce qui est de l'histoire, vous pouvez lire la quatrième de couverture sinon, qui en raconte beaucoup plus, et beaucoup trop.

Dès le début, la tension dramatique est bien réelle et on se prend, dans un univers bien sombre, à espérer une fin heureuse pour la petite Chinti.
Malheureusement, j'ai trouvé les descriptions de lieux et de personnages un peu trop fragmentaires, ou elliptiques, elles ont été un frein à l'imagination et à l'immersion dans ce monde. J'aurais aimé me représenter plus finement le cadre de vie de Veena, Chinti et les autres, ressentir davantage les couleurs, les bruits, les paysages. D'autre part, le texte au présent, les phrases qui sonnent comme des généralités, les redondances, m'ont parfois gênée. Je n'ai pas réussi à comprendre quel était le parti-pris de l'auteure : il semble qu'elle veuille coller au plus près à la réalité de la vie de ces femmes en Inde, et pourtant, l'ensemble, raconté par l'un des personnages, a quelque chose d'une fable.
Toutefois, je n'ai rien à redire à l'histoire et au message qu'elle porte. Les faits dénoncés tordent le coeur par leur cruauté, et par contraste, la solidarité féminine qui naît petit à petit, difficilement, est très poignante. Nul doute que l'écriture travaillée et poétique transportera d'autres lecteurs et lectrices là où mon imagination a refusé, par moments, de m'emmener.

#Leriredesdéesses #NetGalleyFrance
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"Le sexe est le moteur de notre monde et du monde. Et la sainteté des hommes (et des femmes) est toute relative". Cette phrase de ce livre résume pour moi toute l'histoire de ces femmes, qui par leur condition, sont contraintes à n'être que des corps livrés aux hommes, à la pauvreté, à la fange, à la misère. Des femmes, qui dans leur absolu malheur trouvent parfois une lumière, une aide bienveillante pour lutter et garder espoir, une solidarité toute relative mais qui peut sauver une vie, une enfance. Je découvre avec bonheur l'auteur qui livre un texte remarquablement bien écrit et qui raconte l'absolu horreur du comportement d'un homme, qui tel un serpent, rode autour de sa proie pour la dévorer toute entière et uniquement pour son plaisir et sa déviance. Un roman puissant, un texte rude et qui interpelle, bouleverse, dérange, révolte mais qui est le récit tragique et réaliste d'une Inde soumise au poids de la religion et au fonctionnement des castes.
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Mauricienne, avec des parents d'origine indienne, Ananda Devi écrit dans un français magnifique où poésie des images et crudité des mots (parfois) s'unissent pour déployer une langue parfaite pour un conte, tel le rire des déesses, qui n'oublie pas d'évoquer, avec un réalisme douloureux, la situation de deux communautés invisibles en Inde : les prostituées et les hijras. L'héroïne du roman, âgée de 10 ans, est née d'une mère qui vend son corps et son existence, misérable, ne laisse que peu d'espoir quant à son avenir, jusqu'à ce qu'elle soit sortie de la fange par un homme saint, néanmoins client des plaisirs tarifés. le livre d'Ananda Devi raconte une histoire de femmes dans un monde qui les traite sans égards, surtout si elles font commerce de leurs charmes ou représentent un troisième sexe, honteux aux yeux des bien-pensants. A sa manière, le rire des déesses, est aussi une sorte de thriller qui se pare de couleurs étranges et fantasmagoriques et dont le dénouement a lieu, symboliquement, à Bénarès, la ville des brasiers humains, là où le grand fleuve purifie. de plus en plus resserré narrativement, le livre agit comme un sortilège, où l'on tremble pour une fillette, où l'on applaudit des femmes solidaires, où l'on maudit des hommes hypocrites, dévoyés et lubriques. Les déesses riront encore et le Gange poursuivra son cours, indifférent à la dérisoire condition humaine.

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Grasset.
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