À l’approche d’Ourous Martan, c’est un désastre absolu. Plus un kiosque ne tient debout, la plupart des maisons sont détruites, certaines brûlent encore. Elles n’ont plus de vitres, des rideaux déchiquetés pendent aux fenêtres, des impacts de balles dessinent de macabres figures sur toute la surface verticale. L’air est d’ailleurs vibrant de tirs, car tout près, à environ vingt kilomètres au nord, c’est Grozny.
Depuis ma couche, je pouvais entendre le grésillement de l’avion qui se rapprochait, ralentissait, volait en rase-mottes pour lâcher sa cargaison mortelle. « Ils larguent la où ça leur chante, ça leur est complètement indifférent », me murmurait Islam dans la pénombre. Je n’avais pas peur, mais c’est comme si, enserrée de toutes parts, j’avais subitement touchée les limites de ma vie.