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Critique de HundredDreams


Suite à deux jolis moments de lecture avec « La langue des oiseaux » et « Un chien à ma table », je m'étais promise de revenir vers Claudie Hunzinger avec « Les Grands Cerfs ». Quelle n'a pas été ma surprise de voir son adaptation en bande dessinée.
Préférant les mots des auteurs et mes propres images, c'est un genre littéraire que je lis peu. Mais en feuilletant le livre, j'ai été attirée par, justement, l'économie de mots, mais aussi par la douceur des couleurs à dominante de bleu et par la superbe couverture où deux cerfs observent le lecteur nous invitant à les suivre.

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Cette histoire se passe au coeur des forêts vosgiennes, dans une ancienne métairie isolée près de Colmar.
Pamina décide de quitter Paris avec son compagnon Nils et de se réfugier à la campagne, loin du stress, du bruit et de la densité de la capitale.

« Donc, nous nous situons entre la forêt, la vie sauvage, et le village qui est en bas. Nous sommes entre ces deux mondes... Au départ, on se dit que c'est une position inconfortable. Mais c'est un inconfort essentiel, parce qu'on ne quitte pas le monde humain, parce qu'on approche le monde animal et l'on s'aperçoit qu'entre les deux, il n'y a pas de mur, pas de frontière. »
Claudie Hunzinger, L'Heure bleue

Là vit une harde de cerfs que photographie Léo. Très discrets, Pamina n'entend que leurs brames qui résonnent dans la forêt. Elle aimerait s'en approcher et les observer.

« Les voir, c'est voir l'invisible. »

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La grande place faite aux illustrations, les tonalités de bleu, le choix de faire parler les images davantage que les mots, apportent une douce sensation de sérénité, d'apaisement, de silence.
Je me suis prise à observer minutieusement les dessins, l'harmonie des couleurs pastel, et tout doucement, j'ai dérivé vers un espace hors du temps où j'ai été sensible aux odeurs délicates des bruyères, au bruit du vent dans les feuillages, au chant des oiseaux, aux craquements des branches, à la caresse froide des flocons de neige sur mon visage.
Consciente d'être seulement invitée, je me suis fondue dans la forêt et là, un monde plein de magie et de mystère s'est dévoilée.

« Il faut savoir disparaître pour que l'autre s'approche de vous. Et là, tout un monde apparaît. »

Léo explique à Pamina comment se rendre invisible pour ne pas les déranger et pouvoir les contempler à loisir. La jeune femme, fascinée par les cerfs, va alors s'engager dans un combat contre les chasseurs et l'Office national des forêts qui soutient l'industrie du bois en fixant les quotas de cervidés à tuer.

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Par des teintes d'un bleu tendre allant jusqu'à l'indigo et le bleu-nuit, Gaétan Nocq restitue remarquablement l'atmosphère contemplative et douce du récit, la beauté de cette nature sauvage qui évolue suivant les saisons, la sensation d'espace et de liberté, la majesté des cerfs. Les dessins sont magnifiques, la douceur du tracé et les couleurs vaporeuses presque translucides, entraînent le lecteur vers un univers onirique et poétique.
C'est un récit instructif sur le roi de nos forêts, on apprend beaucoup sur son comportement, sa vie sociale, son mode de vie, ses habitudes, son habitat, le cycle de ses bois, …

Mais l'atmosphère s'alourdit au fil des planches dont certaines se recouvrent de rouge et viennent rompre ce lyrisme visuel et montrer aussi la réalité : elles instaurent alors un climat radicalement différent, angoissant, brutal. Elles dénoncent la gestion ambiguë des forêts par l'Office national des forêts, l'objectif de rentabilité des propriétaires forestiers, l'exploitation irresponsable des ressources de ces espaces naturels.
Tout cela entraine la dégradation et la destruction des écosystèmes, la disparition des espèces et la réduction de la biodiversité.

Léo initie Pamina à l'affût mais entre la jeune femme et le photographe animalier, un mur va se dresser au sujet de la chasse. Un débat intéressant où il est question de respect de la vie animale, de préservation des espèces sauvages, de laisser la Nature s'autoréguler ; ou, au contraire, de contrôler et de réguler la faune en surnombre par la chasse.
Pourtant, certaines dérives comme la chasse aux trophées amènent les chasseurs à « prélever » les plus beaux spécimens. En agissant à l'inverse de la sélection naturelle, en éliminant les meilleurs reproducteurs et les animaux en bonne santé, ne désorganisent-ils pas les groupes sociaux et ne fragilisent-ils pas l'espèce ?

« Alors tu penses que les chasseurs régulent … Eh bien moi, je suis pour le renard qui emporte le faisan ou le petit lapin dans sa gueule. Je suis pour le blaireau qui, en creusant, capture le campagnol ou la taupe… »

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« Les grands cerfs » est un magnifique récit initiatique, touchant, poétique, instructif où l'on sent derrière les dessins de toute beauté de Gaétan Nocq, les idées et le combat de Claudie Hunzinger pour une meilleure coexistence entre l'homme et la faune.
Un très beau plaidoyer pour la vie sauvage que je vous invite à découvrir.

« le monde arrive et se pose à nos pieds comme si nous n'étions pas là. Et on constate que tout le monde se passe de nous. »

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Un grand merci à Fanny (@Fanny1980) qui m'a fait découvrir ce bel album.
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