Ce qu'il y a d'épatant, avec la loi du talion, c'est qu'en, depuis plus de trois mille ans qu'elle a été inventée, elle a toujours superbement échouée. Partant, au début, d'une bonne intention - mettre de la raison dans l'agressivité humaine en instituant une stricte égalité entre le châtiment et l'offense -, elle n'a réussi qu'à remplacer la vengeance aveugle par une vengeance regardante et calculatrice, ce qui est, au fond, encore pire. Loin de dompter la violence, la raison se met à son service.
C'est un peu comme le capitalisme raconté aux enfants : sous le nom avenant de "libéralisme", c'est la plus belle chose sur la Terre. Sauf que ça ne marche jamais comme on nous le raconte, que la libre concurrence ne donne jamais le triomphe du meilleur, mais la ruse, l'entente illicite et bientôt le monopole.
Ne cédez jamais. Restez accroché à votre sac ou votre sacoche qu quelque "centaure" à l'arrière d'une moto ou d'une vespa l'a happé(e) au passage : de rebondissements en rebondissements sur le dur pavé ou le râpeux bitume, c'est merveille si vous ne vous retrouvez pas avec une épaule démise, un traumatisme occipital ou à tout le moins de bonnes écorchures profondes sur les bras, les jambes ou quelque partie plus centrale et plus charnue de votre individu.
Même chose face à un de ces olibrius qui prennent à toute allure, en voiture ou en moto, les rues à sens interdit. Placez-vous face à l'intrus, fixez-le droit dans les yeux d'un air décidé et mémorisez bien la scène pour avoir quelque chance de la voir réémerger à la surface de votre conscience, trois semaines ou trois ans plus tard, quand vous sortirez du coma au service de réanimation de l'hôpital Cochin.
Il ne suffit pas de rater sa vie, il faut la rater de façon inintéressante !
Avant tout, un brin d'étymologie. Dans "rater", il y a "rat" : c'est bien ce qu'il y a de plus sûr. Après cela, les inteprétations divergent.
Pour rater, il faut avoir un but qu'on échoue à atteindre et un début de conscience, au moins, de son échec.
Cité par Jean-Didier Urbain dans Le voyage était presque parfait