Citations sur Le chat en 100 poèmes (17)
Je suis chat…
Je suis chat,
Je regarde
À côté des hommes
//Jacques Bussy
Fourrure
Même un fantôme invisible reste un lieu
Où le regard se heurte et revient en écho.
Mais dans cette fourrure noire, le regard
Le plus fort se dissout,
Comme un fou que rien ne soulage
Fonce et hurle dans sa nuit noire
En cognant les murs mous de sa cellule
Et soudain s’apaise.
Elle garde et cache tous les regards
Tombés sur elle, et les surveille,
Public indifférent ou menaçant,
Puis s’endort avec eux.
Réveillée, elle montre sa face enfin,
Et soudain tu te vois minuscule,
Prisonnier de l’ambre de ses yeux,
Comme un insecte.
// Rainer Maria Rilke
Palissade
Le chat noir de la palissade
Promène son museau partout,
C’est un pirate en ambassade,
Le chat noir qui s’en vient chez nous.
Dans le jardin ou sur le toit,
En mille et une escapades
De tous côtés, il est le roi.
Il est le tigre du Bengale
Et le prince des maraudeurs,
Sa moquerie est sans égale:
Ce chat-là est un chapardeur.
Il faut le voir, cet escogriffe,
Ce gracile animal ingrat
Qui lacère à grands coups de griffe
Les détritus de papier gras.
Il mène sa vie à sa guise,
Ne faisant que ce qui lui plaît,
Il se complaît dans des bêtises
Qui ne valent pas un couplet.
Et cependant si ce vaurien
Ne commet que des incartades
À la maison, on l’aime bien,
Le chat noir de la palissade.
// Henri Monnier
BERCEUSE
Endormons-nous, petit chat noir.
Voici que j’ai mis l’éteignoir
Sur la chandelle.
Tu vas penser à des oiseaux
Sous bois, à de félins museaux…
Moi rêver d’Elle.
Nous n’avons pas pris de café,
Et, dans notre lit bien chauffé
(Qui veille pleure.)
Nous dormirons, pattes dans bras.
Pendant que tu ronronneras,
J’oublierai l’heure.
Sous tes yeux fins, appesantis,
Reluiront les oaristys
De la gouttière.
Comme chaque nuit, je croirai
La voir, qui froide a déchiré
Ma vie entière.
Et ton cauchemar sur les toits
Te dira l’horreur d’être trois
Dans une idylle.
Je subirai les yeux railleurs
De son faux cousin, et ses pleurs
De crocodile.
Si tu t’éveilles en sursaut
Griffé, mordu, tombant du haut
Du toit, moi-même
Je mourrai sous le coup félon
D’une épée au bout du bras long
Du fat qu’elle aime.
Puis, hors du lit, au matin gris,
Nous chercherons, toi, des souris
Moi, des liquides
Qui nous fassent oublier tout,
Car, au fond, l’homme et le matou
Sont bien stupides.
// Charles Cros
Douceur féline
Rien n’est plus doux,
Rien ne donne à la peau une sensation
Plus délicate,
Plus raffinée,
Plus rare
Que la robe tiède et vibrante d’un chat.
// Guy de Maupassant
Devenir chat
L’élégance regarda la femme et après l’avoir adorée
Voulut la surpasser.
Elle y parvint en prenant lignes, chevelure
Et yeux de verre, en devenant chat, l’être le plus beau.
// Guillaume d’Aquitaine
Épitaphe
À peu que le cœur ne m’en crève
Quand j’en parle ou quand j’écris :
C’est Belaud mon petit chat gris
Belaud qui fut par aventure
Le plus bel œuvre que Nature
Fit onc en matière de chats.
//Joachim Du Bellay
Vieux frère
Mon chat, hôte sacré de ma vieille maison,
De ton dos électrique arrondis la souplesse,
Viens te pelotonner sur mes genoux, et laisse
Que je plonge mes doigts dans ta chaude toison.
Ferme à demi, les reins émus d’un long frisson,
Ton œil vert qui me raille et pourtant me caresse,
Ton œil vert semé d’or, qui, chargé de paresse,
M’observe d’ironique et bénigne façon.
Tu n’as jamais connu, philosophe, ô vieux frère,
La fidélité sotte et bruyante du chien :
Tu m’aimes cependant, et mon cœur le sent bien.
Ton amour clairvoyant, et peut-être éphémère,
Me plaît, et je salue en toi, calme penseur,
Deux exquises vertus : scepticisme et douceur.
// Jules Lemaître
Le chat et le soleil
Le chat ouvrit les yeux,
Le soleil y entra.
Le chat ferma les yeux,
Le soleil y resta.
Voilà pourquoi, le soir,
Quand le chat se réveille,
J'aperçois dans le noir
Deux morceaux de soleil.
Maurice Carême. L'Arlequin. 1972
Accroupi
près
du
bocal,
Monsieur Chat,
les yeux à demi fermés
dit
:
Je n'aime pas
le poisson.
Paul Claudel. Cent phrases pour éventails. 1942