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Critique de Tandarica


J'en ai pris plein les mirettes et surtout plein mes oreilles, car j'ai lu en écoutant simultanément la playlist (70 références dit la quatrième de couverture).

Je ne sais pas si Denis me donnera tort ou raison, mais son livre me fait penser à la chanson de Jacques Dutronc, Entrez m'sieur dans l'humanité, sur des paroles géniales de Linda Lê.

Que de « passages stabilobossés » dans mon exemplaire de ce roman qui se veut un « travail de mémoire », mais qui n'est ni plus ni moins un livre au rythme endiablé, un récit fictif, mais si réaliste de cette « putain de vie qui te retient dans ses filets » (p. 159, The Rolling Stones), avec comme fil rouge « les 1 500 francs par mois » (de salaire) et l'année 1972 comme cadre temporel !

« Dans cette chambre de 9 mètres carrés pleine de fumée et de musique, il sont loin des projets de Pompidou, des angoisses parentales et si le narrateur venait à les interroger sur leur futur poste et son salaire à 1 500 francs, ils lui riraient au nez » (p. 121)

Dans sa dédicace, Denis évoque une « image fantasmée de la France des années 1970 dans une province magnifiée par la musique rock déclencheur des rêves d'adolescents attardés », et j'ai pris énormément de plaisir à lire un livre aux aspects sociologiques criant de réalisme, aussi bien dans la description de ce centre de la France (Bourges et sa région), mais dans la psychologie fine de personnages (assez multiples) vite, mais si bien croqués.

Il y a au centre du récit le narrateur Jules Lopez (fils de Danny) qui décède début août 2022 et qui grâce au journaliste de « La République du Centre », à Maxime Tamarin, à la « haute technologie » et à sa fille aussi, part à la recherche du passé rock de son père, ancien de la bande de Paul Primal, comprenant aussi les dénommés Ludovic Simon, et Pierre Desormeaux (conteur hors pair). Très jolie et malicieuse, mise en abîme page 53, quand Denis établit le lien avec ces amis et son propre roman « Hors de portée, le Musicien Silencieux », que j'ai d'ailleurs décidé de lire dans la foulée.

Le sarcasme de l'auteur est à la fois évident et subtilement instillé, avec ce leitmotiv de « l'IUT façon Pompidou » ; « deux ans d'études et boulot à 1 500 balles par moi. Basta ! » Mais vont-ils tous y arriver ? Je n'en dirai pas plus si ce n'est qu'une fois commencé, je n'ai plus posé le livre, autrement que pour me sustenter et assouvir d'autres besoins urgentissimes.

« Le tandem études courtes/boulot avait le vent en poupe sous Pompidou. […] tout ça pour des clopinettes et des tours de reins. Drôle d'époque. » (p. 56). « Selon la volonté pompidolienne, un avenir inodore et sans saveur les attend. Un poste de cadre moyen à 1 500 francs par mois. »

Autour de cette année particulière 1972 la question est « faut-il écouter du rock » ? de « All Right Now » des Free (« Tube planétaire ! L'essence du rock, sa substantifique moelle ! », p. 58), en passant par la « désespérance » de mon idole Leonard Cohen, la boucle semble se boucler avec Bob Dylan, et son symbole de Pâques.

Si déjà j'ai « stabilobossé », encore quelques citations pour la route et surtout pour vous convaincre de laisser le rock vous poursuivre « aux trousses » :

Amour : « Leurs corps se comprenaient et c'était déjà beaucoup » (p. 60)

Kent (bakchich omniprésent en Roumanie sous le communisme) : « […] cartouches de Kent qui accompagnaient les armes et les munitions dans les containers parachutés par Londres » (p. 63)

Musique : « Le rock c'est 10 % de technique et 90 % d'énergie ! » (p. 78).

Dans les 10 % de technique d'écriture exquise de Denis il faut rappeler d'autres petits fils brodés dans cette fresque : le bus « modèle U 23 utilisé par la compagnie des Transports Citroën entre 1935 et 1969 » (p. 21), les cerisiers (« sauvages ») de cette époque où « le temps n'était pas au repli sur soi » et où le printemps existe encore, avec cet « air [qui] est à la fête, les hormones chahutent les étudiants comme de jeunes abeilles enivrées par leur premier butinage de pistils. » (p. 159) et d'où les paradoxes (éternels balanciers de la pensée) ne manquent pas.



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