L'histoire que nous raconte Maggie O'Farrell nous propulse au XVIe siècle dans la petite ville de Stratford. Une petite fille Judith est très malade, elle a beaucoup de fièvre, et son frère jumeau
Hamnet, très inquiet, parcourt la ville à la recherche de sa mère partie cueillir des plantes pour faire les décoctions avec lesquelles elle soigne les gens du village.
Il n'arrive pas à la trouver, et tous les autres membres de la famille ont mystérieusement disparus, eux-aussi, quant à leur père, il est à Londres. Il finit par aller frapper à la porte du médecin, car la fièvre pestilentielle s'installe avec son cortège de souffrance et de morts.
Agnes, alias Anne Hattaway a épousé William quelques années auparavant, ils sont tombés amoureux, au grand dam du père, John, car ils viennent de milieux différents.
John, le père de William est gantier, il a été un notable de la ville de Stratford mais il a été exclu de la guilde pour des manquements divers, notamment un trafic de laine. Il est très autoritaire, aurait voulu que ce fils aîné prenne sa succession alors que ce dernier ne s'intéresse qu'aux livres, au théâtre.
Le récit alterne l'époque de la rencontre entre Agnes, dont la mère est morte, et dont le père, assez inconsolable, s'est remarié et William, les difficultés qu'ils rencontrent, la souffrance car la belle-mère d'Agnes est maltraitante, et un peu jalouse de la beauté de la jeune femme qui ne peut compter que sur son frère. du côté de William, on est davantage dans la maltraitance psychologique.
Ils vont avoir trois enfants et sont obligés de vivre dans la même maison que John, même si les appartements sont séparés et Agnes n'est pas la bienvenue. Elle est jolie, un peu spéciale avec ses décoctions, les heures passées à chercher des plantes, racines, un peu « sorcière » sur les bords, ce qui leur déplaît. Elle sent les choses, selon les vibrations des personnes qui viennent la voir.
Maggie O'Farrell est partie du fait que l'enfant de
William Shakespeare s'appelait
Hamnet, décédé alors qu'il était encore enfant, et lui a donné vie à sa manière dans ce superbe roman ; elle a fait beaucoup de recherches pour construire son récit, sans anachronisme, se basant sur la vie des gens à l'époque.
Sa description de la peste, la manière dont elle s'est répandue, à partir de puces contaminées sur la tête d'un petit singe et la transmission par contact, piqures etc. bien-sûr, on ne peut s'empêcher de faire le parallèle avec la pandémie actuelle et les ravages qu'elle entraîne.
J'ai terminé ce roman il y a quelques jours déjà, et j'avais envie de rester sous le charme, dans l'atmosphère de l'époque, dans le destin tragique de l'enfant tel que l'a imaginé Maggie O'Farrell, dans la difficulté de faire son deuil, de manière différente selon le père et la mère d'
Hamnet, l'une sombrant dans l'émotion, la dépression, l'autre essayant de transcender en écrivant une pièce de théâtre. Comment exprimer des sentiments dans une famille aussi rigide que celle de William ? il ne peut rester sur place à Stratford s'il veut rester en vie…
L'écriture est magnifique, les personnages, comme les lieux sont admirablement décrits, on a des images plein les yeux et l'auteure a bâti l'histoire sur Agnes, c'est la femme, son statut à l'époque, qui est l'héroïne, William est bien pâlot à côté d'elle, en artiste méprisé par son père, qui n'arrive à exister que loin de lui, comme s'il fonctionnait de manière quasi schizophrène.
Les relations intrafamiliales sont bien étudiées, tant du côté de William que du côté d'Agnes et le petit
Hamnet (autre orthographe d'
Hamlet) est très attachant, très mature.
«
Hamnet et
Hamlet sont en fait le même prénom, parfaitement interchangeables dans les registres de Stratford de la fin du XVIe et du début du XVIIe siècle. »
J'ai eu un immense coup de coeur pour «
L'étrange disparition d'Esme Lennox » de Maggie O'Farrell, il y a quelques années, et depuis je lis tous ses livres au dur et à mesure de leur sortie en France, il ne me reste plus que les plus anciens à découvrir. Je n'ai jamais été déçue, même avec son recueil de nouvelles « I'am, I'am, I'am » le dernier en date, alors que j'ai plus de mal avec les nouvelles (surtout à rédiger des chroniques en fait plus que la lecture elle-même).
Un grand merci à NetGalley et aux éditions Belfond qui m'ont permis de découvrir ce roman et de retrouver les talents de conteur de Maggie O'Farrell que j'aime tant et en plus, j'ai une énorme envie de me replonger dans l'oeuvre de
Shakespeare, ce qui ne m'est pas arrivé depuis un long moment, faute de temps et de PAL démentielle.
Vous l'avez compris, si l'auteure vous plaît, foncez, vous ne serez pas déçus…
#MaggieOFarrell #NetGalleyFrance
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