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Critique de Nastasia-B


Long Voyage du Jour À La Nuit est une pièce glauquissime, qui nous présente la déliquescence d'une famille écartelée par l'alcool, la drogue, la maladie et l'avarice. Tout un programme !

D'un point de vue stylistique et de sa position dans la lignée évolutive des dramaturges, je place Eugene O'Neill comme le chaînon manquant entre Anton Tchekhov et Tennessee Williams.

Huis clos avec ambiance de plomb à la Tchekhov où les personnages se bouffent la rate en permanence. Personnages névrosés, légèrement dérangés et complètement dans leur bulle à la Williams.

Pourtant, chez O'Neill, il n'y a nul sujet à aller chercher chez d'autres auteurs, car l'histoire qu'il nous raconte n'est autre que sa propre autobiographie, et les personnages qu'il nous décrit sont simplement ses plus proches parents et lui-même.

Dans la pièce, il n'y a que quatre personnages : James Tyrone, Mary, sa femme, et leur deux fils, James, dit Jamie et Edmund. On parle de temps en temps d'un troisième frère, mort en bas âge qui s'intercalait entre les deux autres et s'appelait Eugene.

Et bien intervertissez juste les prénoms d'Eugene et d'Edmund, changez seulement Tyrone en O'Neill et vous aurez le véritable portrait de la famille de l'auteur.

James Tyrone est un acteur américain d'origine irlandaise qui a connu son heure de gloire mais qui est sur le déclin aux abords de la soixantaine. Il n'hésite pas à lever le coude de temps en temps, et même assez régulièrement. Son fils, Jamie, est lui carrément alcoolique. Sa femme, Mary, une droguée morphinomane. Et son dernier fils, Edmund, un trois-quarts alcoolique lui aussi qui présente tous les symptômes de la tuberculose.

La pièce, en quatre actes qui représentent quatre moment d'une même journée, nous dévoile pan par pan la douloureuse histoire de cette famille qui aurait, a priori, tout pour être heureuse. C'est une longue suite d'aigreurs et de récriminations où chacun reproche à l'autre son malheur et son mal-être : l'avarice maladive du père, la naissance d'Edmund qui a rendu la mère dépendante à la morphine, la place de Jamie dans la famille, jamais considéré donc acerbe et noyant son insignifiance dans les bouteilles de whisky, sans oublier Edmund, désolé par cette famille, qui a pris la tangente plusieurs années sur des bateaux douteux à sillonner les mers du monde pour fuir cette gangrène familiale et qui revient tubard, etc., etc.

Bon, je vous avoue que ce n'est pas particulièrement réjouissant, et qu'en plus, la pièce est particulièrement longue. On a parfois l'impression de patauger dans le noir visqueux d'une marée noire, à respirer le mazout en quête d'une bolée d'air frais. C'est probablement l'effet recherché par l'auteur, mais bon, est-ce que cela donne envie, là est une autre histoire.

Pourtant, il y a quelques tirades d'anthologie dans cette pièce et l'écriture est de très belle qualité. Au final, je comprends, par cette finesse de style, qu'il ait pu recevoir le prix Nobel de littérature mais je comprends également, par la lourdeur déprimante de tels écrits, qu'il soit quelque peu oublié de nos jours.

Mais ceci n'est que mon long voyage jusqu'à l'avis, d'autres sentiers pourraient vous mener au vôtre de façon plus satisfaisante, n'en doutons pas.
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