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Critique de Anmoon


Encore sous le charme de son roman « Les Chutes », j'ai décidé d'entrer un peu plus dans l'oeuvre de Joyce Carol Oates, avec ce livre de poids, au sens propre (il pèse quand-même 1004 grammes sur ma balance de cuisine) comme au figuré, paru en 2017. Et si ce n'est pas de charme que je peux parler ici, c'est certainement d'admiration pour le ton équilibré que l'auteure a pu garder, ne prenant jamais parti avec l'un ou l'autre des protagonistes.

Au fil des nombreuses pages qui composent l'histoire, nous rencontrons deux familles, directement confrontées l'une à l'autre dès l'introduction, puisque le père de la famille Dunphy, Luther, tue de sang froid le père de la famille Voorhees, Augustus. le premier est charpentier et chrétien activiste antiavortement, le second est un médecin qui pratique des avortements. Luther est enfermé, Augustus est mort, et c'est principalement à travers les yeux de leurs filles respectives, Dawn Dunphy (DD) et Naomi Voorhees, que nous suivons toutes les conséquences que cette journée de 1998 a pu avoir sur les uns et sur les autres des membres des deux familles.

Pendant une période d'un peu plus de douze ans, les chapitres, qui reviennent d'abord sur le passé, alternent les points de vue de Naomi et de Dawn, qui, chacune à leur manière, tentent finalement simplement de survivre à ce qu'elles ont vécu. Car si tant Luther qu'Augustus ont posé des choix en toute conscience, les conséquences de ceux-ci ne se sont pas limitées à eux, et cela donne à réfléchir : dans quelle mesure nos choix sont-ils susceptibles d'impliquer nos proches ? Quelle est la frontière entre convictions personnelles et égoïsme ?

Joyce Carol Oates prend le temps de construire ses personnages, et nous propose des protagonistes très travaillés. Nous apprenons comment et pourquoi tant Luther qu'Augustus en sont arrivés à ce jour fatidique de novembre 1999, puis entrons en profondeur dans la vie des deux jeunes femmes, avec leurs forces et leurs failles, leurs relations à leurs familles respectives, et la façon dont elles appréhendent le regard des autres.

Une autre chose qui m'a fort impressionnée dans cette histoire, c'est cette cassure profonde dans la société américaine, qui semble ne pas laisser de place au compromis, à l'ouverture à un autre point de vue. Que ce soit par rapport à l'avortement, qui entraîne la mort du Docteur Voorhees, ou à la peine de mort à laquelle est condamné Luther Dunphy, les positions sont totalement antagonistes et ne font pas dans la mesure. Je ne sais pas comment les Américains appréhendent les élections qui se rapprochent chez eux, mais les points de vue semblent tellement irréconciliables que, vu d'un peu loin, cela semble fort préoccupant. En habitant un pays dans lequel le compromis est la norme (ou l'absence de gouvernement s'il ne peut y avoir de compromis !), je reste assez atterrée par cette impossibilité de laisser à l'autre la possibilité de penser autrement…

En résumé, un roman dense sur une Amérique divisée, dont la thématique est plus que jamais d'actualité en ces temps d'incertitude.
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