Une affaire personnelle

Il y a du dérangement. Non dans le livre mais dans son existence. Cette affaire personnelle aurait du rester personnelle, sinon elle ne l'est plus. Ce n'est pas le moindre des paradoxes. Car de l'exposition de son affaire personnelle émerge un enjeu universel. Et c'est bien ce qui m'a dérangé.

Témoigner de sa lâcheté devant l'épreuve du handicap de son enfant, insémine une attitude prototype. le lecteur découvre que l'égo brisé emplit tout, que l'enfant handicapé n'existe pas, sauf à vicier le père. Et cela devient une forme, se statufie.

Sans doute pour Kanzaburi Oé est ce exact, rien ne nous permet d'en douter, mais par sa divulgation sa posture devient aussi exemplaire, dans le plus strict sens du terme. C'est donc comme ça que cela se passe. Au moins un peu, au moins partiellement, au moins en refoulé, dans le non dit, caché aux autres et souvent à soi même. Publier son histoire personnelle, c'est admettre qu'elle porte, au moins en partie l'universel. Avec cette présomption, par trop malsaine, que c'est peut être aussi ce que le public attend. Quelle autre attitude est elle finalement projetée face au handicap d'un enfant ?

Or d'autres réalités existent. D'autres pères fécondent ces situations, place l'autre au centre d'eux même, sans complainte, naturellement. Ceux là ne témoignent pas. Pourquoi le feraient ils ? Ils ne revendiquent ni sacrifice, ni héroisme, ni souffrance narcissique. J'aime à croire qu'ils forment plus l'universel avec leur histoire personnelle, mais que personne ne le sait.