Selon une rhétorique répandue, après avoir rappelé les réalisations du régime, il affirme : «on n’avait pas de bananes mais la sécurité sociale ».
Les gens, avec la wende, ont été ravis de se débarrasser de la domination du parti, ce « père sévère », explique-t-il, mais ils n’ont pas compté qu’ils y perdaient toute la sécurité qui leur avait été assurée : la « mère protectrice » partait avec.
Sans nier les mérites de la vie à l’ouest, il n’en pense pas moins que l’argent ne remplace pas les idéaux : « bien que la vie en RFA soit plus simple et meilleure, il manque ce sentiment de faire partie d’un tout. Il n’y a pas de nous, mais tel ou tel. »
J’aime à me laisser entraîner par ces plans vieux de décennies, qui me conduisent dans le monde rêvé du socialisme dont ils ne disent que les réalisations collectives et les héros.
Effacer les traces du pays vaincu, c’était bien sûr dissoudre l’ordre socio-économique qui le fondait, remplacer ses productions et ses biens de consommation, mais c’était aussi le faire disparaître de l’espace public. Les rues ont été débaptisées, les musées et les expositions ont été modifiés ou fermés, les statues et les plaques de mémoire ont pour partie disparu, l’art public fut détruit ou négligé, et l’est encore.
Les gens pensaient que, s’ils se débarrassaient de leurs meubles, ils se débarrassaient aussi du passé.
C'est un bout de papier qui n'a cessé de m'intriguer. Un objet dont on voudrait pouvoir retracer l'ensemble de la biographie. C'est le papier d'emballage d'un esquimau, d'une glace, que j'ai trouvé collé, avec d'autres, sur la porte d'un atelier en voie de destruction/rénovation à Berlin-Marzahn.
Il n’exprime pas de rancoeur. Il s’insurge plutôt contre les ossis, stupides, qui crient maintenant pour avoir un emploi et un logement, quand ils criaient alors pour avoir du chocolat et le droit de voyager. Voyager librement, s’amuse-t-il, faut encore en avoir les moyens...
Au final, ce livre aimerait convier à un voyage par trois routes. La première est la route au sens concret, qui fait se promener dans l'ancienne RDA : c'est le parcours matériel. La deuxième, plus abstraite, est une invite à s'arrêter sur ses traces pour s'interroger à propos des liens de ce passé avec le présent. La troisième, enfin, amène à penser les traces en historien, ce qu'elles sont, ce que l'on peut en faire, ce qu'on peut leur faire dire.