Il demeura aussi longtemps que possible à Entebbe. Quatre mois plus tard, ils furent autorisés à retourner au Rwanda. Du majestueux pays verdoyant qu'il avait vu la première fois, il n'y avait pour ainsi dire plus de trace. Ce qu'il en restait, c'était un endroit dont personne ne pouvait tomber amoureux. Toutes les fermes avaient été abandonnées ou détruites. Kigali puait le cadavre pourri, avec des mouches partout et des meutes de chiens devenus si agressifs et gras de chair humaine que les gens les abattaient sur place.
Depuis son divorce, elle avait eu quelques aventures, mais rien n'avait pris. Elle avait trente-cinq ans et se disait qu'après tout elle n''était pas fait pour le mariage - constat qu'elle aurait rejeté, ou du moins considéré avec soupçon, s'il était sorti de la bouche d'un patient. Le privilège du psy consistait, parfois, à remettre les œillères.
Son seul et unique don, depuis l’enfance, était ce qu’on pouvait rêver de mieux, un don qui l’avait entouré toute sa vie, élastique, spacieux, capable d’inclure sa femme, leur famille, leur maison et même, quand il était là, son frère : il avait le don d’être heureux.
Grace avait passé sa vie à essayer de recréer chez elle la vie parfaite de ses parents. Qu’ils aient toujours paru le faire sans la moindre difficulté n’aidait pas. Il y avait un mystère inhérent à cette simplicité, à la facilité avec laquelle les choses fonctionnaient chez eux. Ils devaient être les gens les plus chanceux du monde.
Elle savait que c'était lâche de s'évanouir, mais elle sentit en elle le besoin de fuir cette situation aussi vite que possible. Elle ne pouvait pas se permettre d'être courageuse, d'être calme, d'être vivante. Pas pour le moment. Elle se laissa aller et tomba. (p.274)
Tu peux raconter aux gens ton histoire, ou n'importe quelle histoire terrible, ça ne fait aucune différence. Les choses continuent d'arriver, indéfiniment. (p.263)
Au premier coup d’œil, elle le prit pour autre chose.