Je savais déjà à l'époque que mon père se trompait : les mots peuvent tuer de mille façons. Les mots sont des pièges sur lesquels on trébuche, des cordes auxquelles on se pend, des orages tourbillonnants qui déboussolent et conduisent sur le mauvais chemin.
Nous arrivons à Portland après la tombée de la nuit. Le centre-ville est un réseau dense de virages serrés, de vieilles maisons et de bandes lumineuses qui sortent de l'embrasure des portes, pareilles à de longues jambes dorées.
Les secrets sont comme la colle. Ils créent des liens.
Le monde que tu connais est habité par le mal. Les gens s’entretuent. Ils vieillissent et meurent. L’amour se transforme en haine, et les amitiés en poison.
Je savais parler, bien sûr, pourtant en public ma gorge se bloquait, comme soudain fermée par des points de suture, et si j'essayais de forcer j'avais parfois un haut-le-coeur. Je savais déjà à l'époque que mon père se trompait : les mots peuvent tuer, de mille façons. Les mots sont des pièges sur lesquels on trébuche, des cordes auxquelles on se pend, des orages tourbillonnants qui déboussolent et poussent vers le mauvais chemin. En CM2, j'ai même établi la liste de toutes les circonstances dans lesquelles les mots peuvent devenir perfides, traîtres, source de confusion.
1) Les questions qui n'en sont pas vraiment. Par exemple : "Comment ça va ?" Tout le monde sait que la seule réponse possible est : "Bien".
2) Les affirmations qui sont en réalité des questions. Par exemple : "Je constate que tu n'as pas terminé tes devoirs."
Je suis allée jusqu'au point 48) Les mots que l'on hurle dans le silence et que personne n'entendra jamais : je suis innocente.