On est égoiste, quand on est jeune. On morfle après, quand on est vieux.
L'imam s'était levé. L'heure de la prière de l'aube approchait. Un sourire tendre sous sa barbe blanche, il étendit sa main au-dessus des deux femmes enlacées. (...)
- Dites: nous croyons en Dieu, à ce qui nous a été révélé, à ce qui a été révélé à Abraham, à Ismaël, à Jacob et aux tribus, à ce qui a été donné à Moïse, à Jésus, aux Prophètes de la part de leur Seigneur. Nous n'avons pas de préférence pour l'un d'entre eux. Nous sommes soumis à Dieu.
(Coran 2, 136)
J’ai eu la chance de naître une seconde fois. Pas comme vous l’imaginez sans doute, une vie après, non, ce n’est pas de cela que je parle. Pas de Dieu, ni de Paradis, ni d’angelots, rien que de la pensée à perte de temps et l’honnêteté de regretter mes choix, mais ce n’est pas cette histoire que je vais vous
conter, non, cependant je suis bien né une seconde fois.
Un baiser de désir peut infléchir toute une vie.
Julie s'était tue quand sa mère lui avait annoncé la mort d'Egon au téléphone. Un silence qui se transforma en "ça va maman?" lorsque Rosa, à son tour, se tut. Que pouvait-elle répondre à sa fille? Non mon amour je ne vais pas bien du tout, je suis seule au monde, tu es partie, ton père et moi ne partageons plus que le silence des repas qu'il m'accorde encore, Maurice a grandi, et ce salaud d'Egon vient de m'abandonner lui aussi! Alors non je ne vais pas bien, je déteste ma vie en ce moment, tu me manques, Egon me manque, ma mère me manque. Julie tu me manques tant.... Mais Rosa répondit que oui, elle n'allait pas trop mal, qu'elle partait le lendemain pour Sejâa, qu'elle l'aimait, et qu'il était bon de se le dire (...)
Pour s'aimer si longtemps il faut de la joie à être ensemble.
Sejâa appartenait à une époque où Rosa se sentait la princesse d'un royaume merveilleux, un espace perdu et regretté comme l'enfance, rien de plus.
Alors Rosa fit comme à son habitude lorsque la vie la blessait, elle se tourna vers la beauté du monde.
Une maison sert cet espoir, que la nouvelle génération porte l'ancienne, sédimentation des vies, enracinement des coeurs dans une histoire commune.
Rosa frappa le matelas du poing. Elle frappait ses habitudes. Elle frappait son impuissance à changer. Elle sentit monter une colère nouvelle, quelque chose que le modèle Jackie [Kennedy] ne pouvait plus contenir avec ses petits chapeaux et ses tailleurs impeccables, avec son visage sans larmes le jour de l'enterrement de son mari, le jour où son fils saluait la dépouille de son père. Cette maîtrise stricte que Rosa s'imposait craqua brusquement sur le matelas de la chambre d'amis.