Citations sur Le crépuscule d'une idole (84)
Loin d’être universel, le complexe d’Œdipe manifeste le souhait infantile du seul Sigmund Freud.
La thérapie analytique illustre une branche de la pensée magique : elle soigne dans la stricte limite de l’effet placebo.
Voilà pour quelles raisons, prévoyant des interventions d’opposants à la psychanalyse, j’ai lu les œuvres des historiens critiques. Je m’attelais à la tâche avec en tête des idées fausses issues de la lecture d’historiens de la psychanalyse prétendument honnêtes et qui, dans quelques journaux supposés dignes de foi, avaient publié des comptes rendus que j’imaginais sérieux. Ces gardiens de la légende écartaient toute la littérature critique d’un revers de la main en la considérant comme « révisionniste », antisémite, réactionnaire et fleurant bon le compagnonnage avec l’extrême droite. A l’époque, je n’avais donc pas lu ces livres présentés comme le produit de gens intellectuellement infréquentables.
Les croisements multipliés des textes, des correspondances, des analyses, des biographies et de l’œuvre complète conduisent vers la source noire de cette psychonévrose de Freud : une haine de son père présenté comme un être humilié, humiliant à son tour, castrateur, et dont la grandeur n’est jamais autant manifeste que dans la mort ; une mère désirée, sexuellement convoitée, identifiée à la Terre-Mère qu’est Rome, une ville dans laquelle il aspire à pénétrer, n’y parvient pas, puis finit par entrer pour y connaître le plus beau jour de sa vie ! Cette pathologie n’avait pas de nom, elle deviendra sous la plume de Freud le complexe d’Œdipe dont il fera une pathologie universelle dans le seul but de vivre moins seul avec elle…
Ce qui ne l’empêche tout de même pas de proposer une liste incroyable d’équivalences symboliques dont il ne doute pas une seule seconde : toute clé devient phallique et toute serrure devient vagin, ou bien, sans qu’on sache pourquoi, la cravate est un pénis, la calvitie une castration, ou le rêve de vol une érection…
En revanche, on apprend ceci : « J’ai en ce moment, allongée devant moi, une dame sous hypnose et je puis donc tranquillement continuer à écrire »… On verra plus tard combien ce que Freud nomme l’« attention flottante » du psychanalyste dans la cure permet en effet ce genre de pratique. Depuis, on sait que Freud dormait parfois lors de séances payées fort cher – mais puisque seuls les inconscients communiquent lors de ce genre de séances, la psychanalyse n’y voit pas matière à reproche.
Un troisième volet paraîtra sous le titre Le Tabou de la virginité en 1918. Cette Psychologie de l’amour ne manque pas d’intérêt : elle fonde une théorie misogyne, phallocrate et homophobe si l’on veut recourir à un vocabulaire contemporain. Freud pense en effet qu’une femme ne doit pas rechercher une autonomie professionnelle, donc financière, et qu’il lui revient d’être une bonne épouse et une bonne mère ; il conçoit la physiologie des femmes comme interrompue par rapport au modèle phallique ; il croit également à l’existence d’un schéma normal qui conduirait le sujet vers l’hétérosexualité monogame, conjugale et familiale ; il pense enfin l’homosexualité comme un inachèvement de l’être lors du développement de son trajet libidinal. La nature ayant donné aux femmes la beauté, le charme et la bonté, qu’elles n’en demandent pas plus, écrit-il à sa fiancée le 15 novembre 1883…
La psychanalyse que Freud n’aura pas inventée, mais sur laquelle il aura effectué le hold-up idéologique le plus impressionnant du XXe siècle, est devenue la science inventée, découverte par Sigmund Freud en personne.
La psychanalyse ne guérit que les gens bien portants.
Il faut, concept pro domo magnifique, une « attention flottante », autrement dit une écoute distraite, qui évite de se polariser sur quelque chose en particulier, qui laisse faire, laisse couler. Cette attention flottante est nécessaire, théorise le praticien, car une journée d’analyse, huit heures donc si l’on en croit sa confidence, ne permet pas huit heures d’attention soutenue…