J'aime Julien. Je l'aime même pour les choses qu'il fait qui me blessent. Je l'aime et cet amour là ne dépend même pas de lui.
Je l'ai attrapé par le cou et embrassé à plein bouche pour le faire taire. Il a eu l'air un instant stupéfait mais a vite trouvé son compte à ce baiser torride d'un samedi soir sur la plage. Julien embrassait superbement bien. Je lui trouvais des qualités infernales de ce côté-là. Je pouvais comparer, j'avais eu deux autres expériences cette même année. Julien savait envahir ma bouche et mon cerveau en même temps.
C'est la seule chose que j'ai comprise en 4 semaines ici : tant que personne ne s'est aperçu que tu es en morceaux, tu peux encore faire semblant d'être entière. Tant que personne ne sait que tu es morte, tu es encore vivante. Ne rien dire, ne rien dévoiler, nier le cas échéant s'il le faut...Si je cache cela aux yeux du monde, rien de grave ne m'arrivera et je peux même me prétendre à moi-même que je n'ai pas mal.
— Tu sais que la semaine prochaine, c’est mon anniversaire ?, j’ai dit, les yeux dans le vide.
— Je sais, il a répondu, les yeux tout aussi perdus que les miens. Laure nous le rappelle tous les jours depuis une semaine au moins.
— Oh mon dieu, c’est encore pire que je croyais.
— Bienvenue dans le début du reste de ta vie, Anna…
C'était évident. Il m'aimait, là, maintenant. Comme je l'aimais. Peut-être pas comme les adultes s'aiment, ces histoires sérieuses qui font que des couples se marient un jour ou ont des enfants, ni comme ce que certains auteurs écrivent, ces histoires incroyables sur des passions tragiques, Roméo et Juliette et tout ça. Mais c'était sûr que ce n'était pas non plus quelque chose de petit, ce que j'éprouvais pour lui. Il m'électrisait, ce type, il me faisait grandir aussi. Pourtant dans les faits, il y avait peu de chance que cela dure pour toujours.
J'avais été sa petite soeur, lui qui n'en avait pas, moi qui n'avais pas de frère, son petit souffre-douleur personnel, y compris quand je l'ai dépassé de trois bons centimètres. Ensuite, ensuite, les choses s'étaient compliquées pour nous deux et je ne savais trouver les pensées pour continuer.
– Oh mon Dieu, j'ai pouffé.
– Mais je ne regrette pas. C'était trop bien.
J'étais d'accord. Ça valait le coup, c'est 24 heures avec lui. Ce temps volé sur la vérité. Ce partage et cette complicité.
– Promis, j'ai répondu en souriant.
Mon frère, mon ami m'a fait livré sa vision :
profiter. C'était un conseil de sage. De mon côté, c'était tout de même la moindre des choses que de lui
promettre d'être heureuse.
Je ne sais plus ce que je veux ni qui je suis. Je me suis perdue.
Je suis devenue quoi ? C'est donc ça grandir ? Mentir, se mentir à soi-même ? Je voulais devenir quelqu'un. Quelqu'un de mieux. J'ai l'impression que c'est tout le contraire qui est en train de m'arriver.