Citations sur Une autre histoire de la littérature française, tome 1 : .. (22)
"J'ai beaucoup admiré Aragon, qui est si plein de défauts. Parce que nous n'étions d'accord sur rien, il m'a appris que la littérature est plus forte que tout. Comme des millions de Français, j'ai su ses vers par cœur." (Aragon, page 297)
... Le Lutrin se lit encore sans ennui -, on ferrait bien aujourd'hui encore de suivre ses conseils :
Travaillez à loisir, quelque ordre qui vous presse,
Et ne vous piquez point d'une folle vitesse;
[...]
Hâtez-vous lentement et, sans perdre courage,
Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage :
Polissez-le sans cesse et le repolissez;
Ajoutez quelquefois, et souvent effacez,
p.105 Boileau
C'est dans Paludes que figure, parmi tant de trouvailles enchanteresses, l'apologie la moins convenue de la lucidité : "Tu me fais penser à ceux qui traduisent "numero Deus impare gaudet" par "le nombre deux se réjouit d'être impair" - et qui trouvent qu'il a bien raison."
Gide p.239
Chateaubriand
Dans la première partie de sa carrière, il devra aux femmes les postes qu’il occupera ; dans la seconde, il devra les femmes aux postes qu’il occupera.
(p. 160)
S’il y a un seul livre à lire de Chateaubriand, c’est évidemment celui-là (les « Mémoires d’outre-tombe »). Et si vous ne voulez garder auprès de vous qu’une demi-douzaine de chefs-d’œuvre de tous les temps, les « Mémoires d’outre-tombe » figurent encore parmi eux.
(p.167)
Le 2 avril 1764 (Voltaire) écrivait au marquis de Chauvelin : "Tout ce que je vois jette les semences d'une révolution qui arrivera immanquablement et dont je n'aurai pas le plaisir d'être le témoin (...) Les jeunes gens sont très heureux ; ils verront de belles choses." S'il avait vécu encore plus vieux, ou s'il était né plus tard, il aurait été adulé en 1789 et guillotiné en 1793. Mais malin comme il était, il n'aurait pas, lui, le grand homme, raté sa fuite à Varennes. On l'aurait vu, toujours subtil, à Mayence ou à Londres. D'ailleurs, il est mort à temps pour reposer au Panthéon.
On dira seulement que Corneille, c'est un théâtre d'hommes, avec des femmes ; et que Racine, c'est un théâtre de femmes, avec des hommes. Que chez Corneille la volonté ne cesse jamais, après quelques spasmes, de l'emporter sur les passions ; alors que chez Racine la passion, en un jeu d'enfer, l'emporte sur la volonté. Et enfin que Corneille nous présente des héros triomphants; et Racine des victimes condamnées. Pour Corneille, une tragédie est une grande aventure héroïque qui peut finir bien ; pour Racine, c'est une aventure passionnelle qui ne peut finir que mal.
La passion chez Racine, joue le rôle du bourreau.
Grand créateur de mots, l'auteur de "Gargantua" et de "Pantagruel" ne s'embarrasse pas plus des règles de la langue que de celles de la morale ou de la psychologie. Noms de vêtements ou de torche-cul, de chapeaux ou de navires, il sème à tout vent et il jette à profusion ses distorsions et ses inventions.
(Chapitre : Le classicisme)
Il y a un acteur du classicisme qu'il est impossible de passer sous silence : c'est Dieu. Dieu est présent d'un bout à l'autre du classicisme, en position dominante ou en position d'assiégé. Il est présent chez Descartes, où il ne peut pas être trompeur... Il est présent, évidemment, chez Pascal et chez Bossuet. Il est présent chez les jansénistes, à Port-Royal et chez Racine. Il est présent à la cour, chez Mme de Maintenon, et même chez les jésuites qui poussent aussi loin que possible les accommodements avec la société. Il n'y a guère que chez La Fontaine et chez Molière qu'il passe à l'arrière-plan... Il est absent chez Montesquieu qui ne le combat même pas, mais qui l'ignore. Il est à nouveau très présent, en sens inverse, chez les philosophes du XVIII° et chez Voltaire, où il ne s'agit plus que de l'expulser, au moins sous les auspices de l'Eglise. A mesure que le XVIII° l'emporte sur le XVII°, Dieu recule devant la raison : la raison, si longtemps alliée à Dieu, se sépare de lui et se retourne contre lui.
Le cardinal de Retz, c'est Valmont devenu, par une erreur de distribution, archevêque de Paris.
Nous marcherons ainsi, ne laissant que notre ombre
Sur cette terre ingrate où les morts ont passé,
Nous nous parlerons d'eux à l'heure où tout est sombre,
Où tu te plais à suivre un chemin effacé,
A rêver, appuyée aux branches incertaines,
Pleurant, comme Diane au bord de ses fontaines,
Ton amour taciturne et toujours menacé.
Vous aurez remarqué au passage le mot sombre qui est comme la marque de fabrique de Vigny. Mais surtout les deux derniers vers, qui sont parmi les plus beaux de la langue française.
p. 191 Vigny