Citations sur Dolores (21)
Si la jeune femme avait fait la preuve....la démonstration même au sens critique du terme... de son incapacité à intégrer des codes sociaux ; la danse, ce dialogue du corps avec l'espace, lui donnait accès à une autre dimension. Cet art de l'éphémère autorisait à s'extraire du cadre de la chorégraphie pour inventer une spatialité différentes, une "kinesphere", suivant son instinct, à tout moment, une inspiration, une noble pulsion pour une fois... Abreaction. Dans la douleur aussi, la mise en scène de soi et la sublimation que tout cela représentait. Un être qui danse, c'est un corps vacillant qui s'apprête sans cesse à chuter,qui défie la pesanteur, palpe le sol à l'occasion, s'enroule, se redresse, mais finalement ne tombe jamais, et rebondit plutôt, puis fait de ses élans incertains, de ses déséquilibres volontaires, des bonds héroïques et de belles arabesques. Des réussites au lieu d'échec.
Souffrir, avoir mal, n'être plus qu'une blessure... La douleur, de nos jours,se cote et s'evalue,se résume à un chiffre. On la voudrait objective,concordante, éloignée de la sensation et de sa traduction mentale. Sans parler du tabou du plaisir... La négation de cette parole du corps génère des mutismes dans les esprits. On rend inacceptable la plainte et l'alarme déclenchée par cet"impalpable" qui habite nos chairs. On est sourd aux cris répétés, on muselle, on se détourne. Au mieux,on soigne le symptôme physique. Parfois même, on accuse. Pour l'âme affligée, réfugiée au fond d'elle même, la douleur - routine, rengaine, vieille compagne- n'est plus qu'un"trou dans une dent creuse"...
....dont on ne chercherait même plus la racine.
Blindé, cynique.
Banaliser était devenu naturel pour lui. Il y jouait depuis tout petit, sur le tapis du salon : sauver le monde, sauver des vies, cowboy du secours aux personnes,preux chevalier de la victime en détresse... Huit mois de formation via Pôle Emploi, avec l'objectif de prendre son pied, d'être valorisé, enfin utile, moulé dans son costume, pectoraux vengeurs. Mais la réalité était moins glorieuse...."T'a pas cinq mètres, c'est que dalle ! " Et puis les suicidaires, ça lui posait un problème. Il y avait assez à faire avec ceux qui demandaient de l'aide, pour perdre son temps avec ceux qui réclamaient la mort, n'en finissaient plus de la provoquer,de s'y frotter, d'aiguiser son appétit... Ceux là, en plus, ne disaient pas"Merci". Pas une once d'admiration dans leurs yeux. Par définition, ceux là faisaient la gueule, n'offraient aucune gratitude, et parfois même, figurez-vous qu'ils voulaient vraiment mourir...
Pas juste faire chier.
Les spéculations qui entouraient certaines candidatures à la présidence, masquaient des intérêts privés qui crevaient l'écran, mais semblaient pourtant invisibles pour l'opinion, otage du marketing et de la force incantatrice des instituts de sondage. Ces nouveaux oracles démocratiques guideraient bientôt aveuglement le vote de ceux qui sont toujours "pour celui qui gagne".
Car ce qui fait la prison, ce ne sont pas les murailles, mais bien le verrou. Et le captif ne continue de rêver à la liberté que s'il a connaissance d'une issue...
Elle enviait la normalité des autres, leur constance, mais cultivait sa différence, son instabilité, sa cécité émotionnelle... Parce que l'excès de lucidité éblouit parfois, fait dépérir, et pousse à détruire.
C'était si moche, parfois, tout ça...
Ces problèmes de comportement lui donnaient au moins un statut, et cela valait mieux que l'invisible de la dépression.
" Non, pas de tristesse ! Rien que d'la rage !... "
En danger, rétive, farouche, indocile, hérissée, entêtée, intenable, égoïste, indomptable, faible, enfantine, ambivalente, révoltée, masochiste, lacunaire... Dolores : personnalité borderline.
Une proie pour le Mal qui rôde.
Le siège était trop avancé, peut-être avait-il bougé sous l'effet d'un choc. Cet airbag s'était déclenché, pas l'autre. Sans doute avait-il sauvé une vie. Il était dégonflé à présent, pitoyable, autant qu'une capote après l'amour... Tandis que Dolores cherchait la manette qui permettrait de reculer l'assise en simili, sa main toucha quelque chose. Un objet qui s'était caché là, qui s'était soustrait à la vigilance du ferrailleur, à l'appétit des dépeceurs, à la minutie des inspecteurs. Un objet doté d'une volonté propre et de sales arrières-pensées. Juste du plastique et des circuits imprimés - presque une antiquité en 2016 ! -, mais au dessein inattendu et malfaisant. Une arme discrète au service du Mal.
Un simple lecteur MP3.
Ainsi, toujours à l'aube de l'éternité, le Mal patiente...
Puis finit par frapper.
Le pessimisme peut avoir du bon aussi.
Insomnie.
Il ne comptait même plus les années. Les nuits, les heures, à faire la chouette face au plafond, à défier Morphée par dépit, à défaut de mieux, jusqu’à ce que les yeux lui piquent, tempes comprimées, cerveau pilonné.
Idées qui s’enchaînent, qui s’emballent, puis l'angoisse qui s’enraie, se remballe, neurones en éveil, un vain dédale… Car ce qu'il y a de plus affolant, pour un être doté de conscience, c'est de ne plus savoir arrêter sa pensée.
« Tout ce que j’ai fait aujourd’hui. Mais il m’en reste autant demain. Que n’ai-je accompli jusqu’ici, pour que cela ne mène à rien ? »
Puis se résoudre, soir après soir, à en reprendre.