L'empereur est-il un homme ou un dieu ?
Si un cuirassé japonais se fait torpiller dans le Pacifique, êtes-vous content ou triste ?
A votre avis, quel camp va-t-il gagner la guerre ?
C'était dans l'intérêt de la sûreté nationale.
C'était une question de nécessité militaire.
C'était pour eux l'occasion de prouver leur loyalisme.
La pancarte avait fleuri du jour au lendemain.
Nous nous regardions dans le miroir et nous n'aimions pas l'image qu'il nous renvoyait:cheveux noirs,peau jaune,yeux bridés.Le visage cruel de l'ennemi.
Loyalisme.Antiloyalisme.Allégeance.Obéissance.
-Des mots, dit-elle, ce ne sont que des mots.
Sois gentil avec ta mère, lui écrivait-il.Sois patient.Et souviens-toi:mieux vaut plier que rompre.
Elle avait fracassé le boulier avant de le jeter dans les flammes.
-Dorénavant nous compterons sur nos doigts.
Le lendemain,pour la toute première fois,elle avait envoyé le garçon et la fille à l'école avec,dans leur gamelle,des sandwichs au beurre de cacahuète et à la confiture.
-Fini,les boulettes de riz,avait-elle expliqué.Et si on vous pose la question,vous êtes Chinois.
Tous les deux ou trois jours, les lettres arrivaient-déchirées, en lambeaux-de Lordsburg, dans le Nouveau-Mexique.Tantôt, la lame de rasoir des censeurs avait découpé des phrases entières,et le texte en devenait incompréhensible. Tantôt,les missives lui parvenaient intactes,mais la moitié des mots avaient été noircis.Invariablement,elles étaient signées:"Ton papa qui t'aime".
-Un jockey est un petit homme lui avait-elle rétorqué. Est-ce que tu veux devenir un petit-homme quand tu seras grand?
Il n'arrivait pas à se décider.Est-ce qu'il désirait monter des chevaux? Oui.Est-ce qu'il désirait être un petit homme? Non.
[...] Au début de l'automne, les grandes exploitations agricoles envoyèrent des agents de recrutement et le Service du transfert des populations autorisa de nombreux jeunes gens - hommes et femmes - à aller aider aux travaux des récoltes. [...] D'aucuns [...] revinrent avec les mêmes chaussures qu'ils portaient à leur départ, jurant que plus jamais ils ne quitteraient le camp. Ils racontaient qu'on leur avait tiré dessus, craché dessus, refusé l'entrée au restaurant du coin, au cinéma, au magasin de nouveautés. Ils expliquaient que, partout où ils étaient allés, ils avaient vu la même pancarte en vitrine : INTERDIT AUX JAPS. La vie était plus simple de ce côté-ci de la barrière, concluaient-ils.