AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de ElGatoMalo


Une BD sur la vie d'Einstein plutôt originale. Elle donne le ton dès l'introduction en commençant par raconter la soirée de la première des Lumières de la ville de Charlie Chaplin en 1931 et précise clairement son objectif dans un dialogue entre Chaplin et Elsa Einstein (la seconde madame Einstein) :

ELSA : - C'était la théorie de la relativité.
CHAPLIN : - Est-ce qu'il vous a dit ce que c'était ou est-ce qu'il vous a laissée dans l'ignorance ?
ELSA : - Ho, oui ! Il m'a dit. Et il me l'a expliqué plusieurs fois depuis.
CHAPLIN : - peut-être qu'un jour vous pourriez me l'expliquer alors...
ELSA : ho non ! Je n'y comprends rien. Mais je n'ai pas besoin de comprendre pour être heureuse.

C'est l'angle d'approche du livre. On n'a pas besoin de comprendre les théories physiques qu'Einstein a révolutionnées pour apprécier cette biographie. Sur les trois cent pages, il y en a assez peu qui soient consacrées à la vulgarisation ou à l'illustration de concepts physiques. Personnellement, j'ai appris deux ou trois choses, peu utiles dans la vie quotidienne mais qui m'ont intéressé : que Gödel était paranoïaque ; que l'unification des deux théories au travers de l'ajout d'une cinquième dimension était une idée d'Einstein (je croyais qu'elle était l'oeuvre d'un mathématicien qui était finalement son assistant, Walter Mayer) ; que le chat de Schrödinger aurait dû être le tonneau d'explosif d'Einstein, l'idée venant de lui. Je suis bien d'accord sur le fait que ce sont des détails qui ne peuvent intéresser que des lecteurs qui ont déjà un certain gout pour l'histoire des sciences. Mais au final, j'ai passé un bon moment.

Sur la forme, il est bien question d'un roman graphique. Il y a l'épaisseur, plus de trois cents pages. Comme il n'y a quasiment aucun récitatif (les encadrés où se trouvent des commentaires permettant de situer l'évènement par rapport à la chronologie que l'on retrouve dans les biographies BD standardisées), le scénariste a choisi de briser le "quatrième mur". Les personnages (tous présentés par un petit encadré bleu avec leur nom et le lien - souvent ironique ou sarcastique - qui les relie à monsieur Albert) qui ont croisé le physicien, dans un complément du dialogue, sont "détournés" pour s'adresser directement au lecteur au travers d'un commentaire sur l'échange qu'ils ont avec le principal intéressé. On passe donc de situations très souvent intimes à une forme de complicité avec les personnages. J'ai plutôt aimé la méthode.

Il apparaît clairement, dès la couverture, que le dessin assez schématique, la mise en page au travers d'un "gaufrier" très simple en six cases maximum, souvent carrées, le choix quasi monochromatique des couleurs en camaïeux de bruns et la taille des bulles, ont pour but de mettre en valeur le texte qui est omniprésent... et très long. Il demande un vrai effort d'attention. C'est une vraie lecture. On est très très loin du style comics ou du manga qui se dévore en quelques minutes. Ça demande de la concentration mais pas parce que les concepts sont difficiles à saisir, loin de là, comme je l'ai déjà dit, il y a peu de rapports avec la physique. Il est beaucoup plus souvent question des relations familiales ou de réflexions sur la religion, ou plutôt sur la foi. Si je peux partager un de mes états d'âme sur ce point, je trouve que le coté américain du scénariste a lourdement pesé sur le regard qu'il a posé sur la vie du grand savant. Ceci dit, j'ai trouvé savoureux le passage où Einstein pré-adolescent, quoique mauvais élève, lit beaucoup, prend le temps de lire la Bible et d'avoir une opinion sur le degré de "crédibilité" de son contenu, évidemment une opinion négative. Ça ne l'empêchera pas de dire plus tard de dire que : " Dieu est subtil mais il n'est pas malveillant". Malheureusement, le grand horloger n'a pas eu pitié du vieil Albert. Celui-ci aura passé la plus grande partie de sa vie à essayer de prouver son intuition du défaut de crédibilité de la mécanique quantique, s'engluant dans des impasses mathématiques, qui l'auront occupé jusqu'à la fin de sa vie, sans jamais y parvenir.

PS : Je reste sur une impression très positive de l'ouvrage et ce n'est pas "seulement" parce que je me suis senti très honoré d'être sollicité au titre d'une Masse Critique privilégiée. Impression si positive qu'après avoir un temps hésité à commander la biographie de Feynman, pas de la même équipe mais du même scénariste, je viens de céder à la tentation (en occasion) et je l'attends avec une certaine impatience. Comme j'attends avec impatience les vidéos des conférences que Cédric Villani. Je me permets donc d'ajouter ce paragraphe au texte du billet original qui me paraissait incomplet.
Commenter  J’apprécie          110



Ont apprécié cette critique (11)voir plus




{* *}