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sur 104 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Parce qu'elle rêvait de devenir médecin à une époque où l'accès à la profession était réservé aux hommes, Margaret Ann Bulkley passa la majeure partie de sa vie à se travestir afin de dissimuler sa condition de femme et d'ainsi réaliser son rêve. Sous l'instigation du comte de Buchan et avec la complicité du général de Miranda ainsi que du docteur Fryer, une machination de grande envergure voit ainsi le jour afin de déjouer les institutions et de permettre à Margaret Ann Bulkley de devenir la première femme diplômée de médecine.

Dès le départ, la supercherie semble de telle ampleur pour le lecteur que si les faits n'étaient pas historiquement avérés, on peinerait presque à y croire ! C'est pourtant sans compter sur la dextérité de Sylvie Ouellette qui, alliant un remarquable travail de documentation et un talent de conteuse hors pair, nous livre une biographie romancée du docteur Barry aussi convaincante que passionnante !

Commence donc pour James Miranda Barry un périlleux numéro d'illusionniste qui ne lui laisse aucun droit à l'erreur. Dès ses études à l'Université d'Edimbourg, loin de l'insouciance et de la vie débridée des autres étudiants, le jeune Barry, avec son image de travailleur acharné et son hygiène de vie irréprochable, ne tarde pas à se démarquer des autres élèves.

Afin de maintenir l'illusion, la jeune femme doit recourir à de nombreux artifices et redoubler d'imagination. Son style outrancier et son allure incongrue ne manquent pas d'attirer les regards ni de susciter les moqueries. Quant à l'aura de mystère dont elle enveloppe son personnage, elle ne tarde pas à éveiller les rumeurs les plus farfelues.

Initialement prévue pour une durée déterminée, la supercherie va pourtant s'éterniser et prendre un tournant imprévu lorsque, suite à un revirement de situation inattendu venant sévèrement compromettre le plan initial, le docteur Barry décide, en dépit de la désapprobation générale, de s'enrôler dans l'armée en tant qu'officier médical. Face à l'obstination du jeune médecin fraîchement diplômé, le comte de Buchan réalise bientôt que la mise en scène, si magistralement orchestré jusque-là et en apparence parfaite sur le papier, est en train de leur échapper.

Très vite, James Barry affiche une assurance désarmante quant à ses compétences médicales tout en conservant une grande lucidité sur la précarité de sa situation. Conscient que la moindre erreur est susceptible de lui être fatale, le médecin redouble d'efforts pour ne jamais baisser la garde. Un souci permanent de vigilance qui ne tarde pas à se muer en un besoin excessif de tout contrôler, de son régime alimentaire à ses relations avec les hommes.

Face à cette peur irrépressible de perdre le contrôle de ses émotions, rares sont les instants où le docteur Barry lâche finalement prise pour laisser libre cours à ses sentiments. Mensonge et dissimulation deviennent peu à peu la seconde nature de James Miranda Barry. A tel point que jusqu'à la fin, entre le lecteur, pourtant dans la confidence, et le médecin, persiste une certaine distance que les 400 pages du roman ne parviendront jamais à totalement effacer. Car dans ce jeu permanent de faux-semblant, la femme et le personnage semblent souvent se confondre, et il devient dès lors ardu pour le lecteur de démêler la part de sincérité et de mensonge d'un protagoniste qui a bâti toute sa vie sur une imposture.

Une ambiguïté et un sentiment de malaise dont Sylvie Ouellette semble avoir pleinement conscience, comme en témoignent les différents passages au cours desquels elle met en scène un docteur Barry soudain chancelant, en proie à une féroce lutte intérieure afin de détacher sa vraie nature du personnage qu'elle s'est créé.

Au fil des années, le docteur Barry affine son personnage et ne tarde pas à se tailler une réputation d'homme colérique, vaniteux et entêté. Un excès d'aplomb et un caractère tempétueux qui lui joueront d'ailleurs des tours à plusieurs reprises et lui vaudront bien des inimitiés, sans toutefois jamais parvenir à occulter les avancées considérables en terme de soins ainsi que les réformes sanitaires capitales qu'il aura conduites durant toute sa carrière et sans jamais se départir de ses convictions. Probité et intégrité seront de fait les maîtres mots de la vie de James Barry qui la consacrera à l'exercice de sa profession. Se définissant lui-même comme un missionnaire de la médecine moderne, il entreprendra de grandes réformes de santé publique et se fera un devoir de défendre une médecine accessible à tous sans distinction sociale.

Ses affectations successives le conduiront pourtant toujours à devoir recommencer le même travail de réforme titanesque que celui entrepris au cours du poste antérieur. C'est donc à chaque fois une tâche colossale qui l'attend, et loin d'être facilitée par une hiérarchie peu coopérative et souvent hostile aux opinions « révolutionnaires » pour l'époque du médecin. Si sa ténacité et son sens du devoir contribueront immanquablement à lui créer de nombreux ennemis, ils lui permettront également de se forger une solide réputation à titre de chirurgien et de s'attirer la reconnaissance de la majorité des gens qui croiseront sa route.

Mais au-delà du destin incroyable et hors du commun de James Barry, c'est aussi le portrait de toute une époque que nous brosse la romancière. A travers les pérégrinations et le combat du médecin, Sylvie Ouellette nous dresse un état des lieux époustouflant des connaissances et des pratiques médicales du XIXème siècle.

Sous la plume toujours alerte de Sylvie Ouellette, le destin hors du commun de James Barry prend des allures de roman d'aventure. de la « naissance » même du personnage crée de toutes pièces par les amis de son oncle jusqu'à la fin de sa vie, l'auteure nous livre un récit captivant, plein de fougue et riche en rebondissements qui entraîne le lecteur aux quatre coins du monde.

Sans jamais chercher à rendre le personnage particulièrement sympathique en vue de susciter de manière excessive et inappropriée la compassion du lecteur, Sylvie Ouellette parvient à saisir la personnalité de James Barry dans toute sa complexité et son ambivalence. le résultat est un portrait d'un réalisme saisissant d'un personnage à la fois ambigu et pétri de contradictions qui, quelque soient les sentiments qu'il éveille chez le lecteur, ne peut dans tous les cas pas le laisser indifférent.

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Biographie romancée consacrée à la vie de James Miranda Barry, « le secret du docteur Barry » est un récit captivant, aux allures de roman d'aventure qui propulse le lecteur aux quatre coins du globe.

Dans un style toujours vif et percutant, Sylvie Ouellette allie avec brio un talent de conteuse hors pair et un solide travail de documentation donnant vie à un docteur Barry tempétueux et obstiné plus vrai que nature et évoluant dans un XIXème siècle parfaitement restitué.

S'il n'est pas toujours aisé pour le lecteur de démêler la part de sincérité et de mensonge, et par conséquent d'éprouver de l'empathie pour un personnage qui a construit sa vie sur une imposture, la personnalité haute en couleur du docteur Barry et son total dévouement au service de ses patients ne peuvent laisser indifférent.

N'hésitant pas à critiquer les institutions en place et à dénoncer toutes les formes de corruption, James Barry se fait un devoir de lutter contre le charlatanisme et de défendre une médecine accessible à tous sans distinction sociale. Visionnaire, avant-gardiste et déterminé, son caractère entier et atypique lui vaudront autant d'inimitiés que de reconnaissance.

Au-delà du portrait d'une personnalité excentrique et au destin hors du commun, le roman de Sylvie Ouellette est donc surtout un véritable hommage à un médecin profondément humain et altruiste, qui dédia sa vie à la santé des autres au prix d'une existence entière d'abnégation.
Un très beau roman que je vous recommande chaudement !
Lien : http://lectriceafleurdemots...
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honnête biographie romancée. On imagine bien la volonté qu'il fallut aux pionnières pour s'imposer dans le monde de la médecine et l'abnégation pour renoncer à tout le reste ....
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