A soixante-dix-neuf ans, elle n'avait que faire des messages des esprits, surtout avant d'avoir pris son café.
Ça semblait normal et juste, cette idée de se joindre à un rite consacré à la vieille femme sage dont la vie avait touché la sienne et celle de Weppo de manière si profonde. La vieille femme sage qui avait, littéralement, donné sa vie pour la leur.
Décidément, cette journée prometteuse n'était pas décevante. A ce rythme-là, prédit Bo, avant midi, elle pouvait s'attendre à être détournée sur La Paz par des extra-terrestres en costume d'Elvis.
Bo se gardait bien de confier que pas une seule fois, son délire n'avait été plus qu'une vérité amplifiée que les gens normaux peuvent nier, atténuer, filtrer pour la ramener à un niveau tolérable.
"Les cyclothymiques perdent la faculté de ne pas savoir", lui avait expliqué le docteur Bittner.
Le monde pourrait être très différent, avait-elle songé une fois, en regardant par la fenêtre de son bureau par un maussade après-midi de février, si tout le monde perdait un peu cette faculté. (122)
Le regard de la jeune femme était sincère :
- ... il n'y aura rien, dans tout notre reportage sur cette affaire, concernant ton problème maniaco-dépressif, rien qui puisse te blesser.
- Je le savais, fut Bo en réponse. Je savais que tu es quelqu'un à qui on peut faire confiance, même si je souhaiterais que tous ces secrets ne soient pas nécessaires. Personne n'est obligé de mentir parce qu'il a du diabète, un glaucome, voire la lèpre. (p. 253).