Citations sur Une enquête de Mario Conde : Adios Hemingway (18)
Car il devait en plus décider, avant l'arrivée de la mort, s'il brûlerait ou non Paris est une fête. C'était un beau livre sincère, mais il contenait trop de choses définitives, qui seraient sûrement retenues dans l'avenir. Mû par une sensation de gêne, il s'était senti obligé de garder le manuscrit dans l'attente d'une lueur susceptible d'éclairer son sort : l'imprimerie ou les flammes.
Pour envelopper l’arme, il avait choisi une culotte noire oubliée dans la maison par Ava Gardner. La culotte et le revolver, ensemble, lui servaient à se rappeler qu’il y avait eu des temps meilleurs, où il était capable d’expulser un jet d’urine puissant et cristallin.
Ce n'est pas lui qui jouait au guérillero et à l'ami des communistes ? Ce n'était pas très compliqué : guérillero avec des gourdes de whisky et de gin à la ceinture, communiste avec un yacht et assez d'argent pour vivre comme bon lui semblait. Ah, Conde, crois moi, j'en ai jusque là des salopards qui vivent comme des princes en dissertant sur la justice et l'égalité.
Le Conde aimait bien marcher dans La Havane par ces après-midi d'été après une forte averse. La chaleur épuisante de la saison cédait jusqu'au lendemain et l'air avait une saveur humide qui le réconfortait, comme le rhum, et lui donnait la force d'affronter l'une des grandes douleurs de sa vie.
Et l’on finit par apprendre qu’il faut défendre cette solitude : parler de littérature, c’est perdre son temps, et il vaut beaucoup mieux être seul, parce que c’est ainsi que l’on doit travailler et parce que le temps pour écrire est de plus en plus court et que si on le gâche, on sent que l’on a commis un pêché pour lequel n’existe aucun pardon.
Pour entamer ce difficile exercice de compréhension, le Condé commit un sacrilège muséologique: il enleva ses propres chaussures et glissa ses pieds dans les vieux mocassins de l'écrivain, plusieurs pointures trop grandes pour l'ex-policier
[…] à présent, il le savait, il était un foutu détective privé dans un pays sans détectives ni rien de privé, c’est-à-dire la mauvaise métaphore d’une étrange réalité : il était, il devait l’admettre, un pauvre type de plus, vivant sa petite vie dans une ville remplie de types ordinaires et d’existences anodines, sans aucun ingrédient poétique et tous les jours un peu plus dépourvus d’illusions.
Les armes et leur but mortifère étaient devenus pour lui, peu à peu, l’une des définitions littéraires de la virilité et du courage ; et pour cette raison, ses héros de prédilection étaient ceux qui s’étaient servis d’une arme à feu, y compris contre d’autres personnes
En son for intérieur il aimait à se dire qu’être connu dans le monde entier en raison de ses prouesses et de ses extravagances lui avait coûté suffisamment de peine et d’effort pour ne pas y renoncer au profit de cette amabilité hypocrite qu’il méprisait tant. Il avait près de trois cents cicatrices sur le corps, dont plus de deux cents résultaient de l’explosion de la grenade à Fossalta, tandis qu’il portait sur les épaules un soldat blessé, et il avait une bonne histoire à raconter à propos de chacune, dont il ne savait plus lui-même si elle était vraie ou fausse.
Le goût de ce chianti encore jeune lui rappelait celui des lèvres de la jeune fille, et cela le réconfortait et effaçait la culpabilité de boire plus que de raison.