Ne
pas se fier au titre, mensonger : L'apiculture selon
Samuel Beckett n'est
pas un manuel pour féru d'abeilles. Il s'agit plutôt d'une ballade, certes irréelle, mais ô combien enchanteresse en
compagnie de l'un des auteurs les plus importants du siècle dernier.
Suite à un incendie à l'université de Reading (qui existe vraiment, j'ai vérifié !), en Angleterre, un professeur retrouve un texte d'un « homme se présentant comme l'assistant de
Samuel Beckett » datant de l'année 1985. Et c'est ce texte, un journal intime, qui forme la trame de ce livre. Un jeune étudiant, reclus dans sa chambre de bonne parisienne, termine sa thèse. Un libraire le met en relation avec
Samuel Beckett qui cherche quelqu'un pour classer ses papiers. Une drôle de relation se noue entre les deux hommes, relatée dans le journal intime que tient l'étudiant. En filigrane, un metteur en scène demande à
Beckett, l'autorisation de monter une de ses pièces dans une prison…
Même « si le coeur de ce texte est véridique », l'auteur insiste dès le départ pour en souligner le côté fantaisiste.
Samuel Beckett, dont nous connaissons tous le profil austère, à défaut d'avoir lu son oeuvre, apparaît ici comme un homme heureux de vivre, cuisinant allégrement, récoltant son miel et même affublé de vêtements richement colorés. A l'exact opposé de ce que nous aurions pu imaginer de son intimité.
Martin Page a gaiement butiné dans l'oeuvre de
Beckett pour imaginer ce très court roman qui m'a enchantée. Son texte est un habile et subtil support pour interroger le lecteur sur la place de l'artiste dans la société, son rapport à la célébrité et sa philosophie artistique. Voici un aperçu de ce que dit
Samuel Beckett au jeune étudiant : « ce qui compte, c'est la biographie de ceux qui lisent mes livres, plus que la mienne. Les universitaires feraient mieux d'enquêter sur leur propre vie s'ils veulent comprendre quelque chose à mon oeuvre ».
Parallèlement,
Martin Page insuffle beaucoup d'humour et de légèreté au texte, ce qui donne un ensemble très original à mon goût. Un mélange de sérieux et de fantaisie. le seul reproche que je donnerai à ce livre, c'est sa brièveté : j'aurais aimé cheminer encore un peu avec
Samuel Beckett, l'écouter disserter sur l'art tout en l'observant préparer un chocolat chaud.
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