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Critique de Lesaloes


Destins et écrivain démiurge

L'histoire est connue, popularisée par le cinéma. Provence, retour à la terre, mort, vengeance et Destin. Avec au coeur de l'intrigue l'or des collines, la vie : la source. Jean de Florette, bercé de l'illusion néo-rousseauiste de retour à la terre, celle de ses ancêtres, mourra ruiné, épuisé par sa quête d'une eau toute proche. Par la cupidité et l'avarice des Soubeyran, le patriarche César le Papet, et son neveu Ugolin, ultime descendant d'une lignée dégénérée par les mariages entre soi - pour mieux protéger le patrimoine - qui rêve de cultiver des oeillets dans ces champs trop convoités et qui tous deux pousseront jusqu'au crime : ils maçonneront la source pour la tarir. Avec le silence complice des villageois des Bastides blanches qui ne diront rien : on ne se mêle pas des affaires des autres.

Mais justice immanente et vengeance humaine. La blonde Manon, fille de Jean, privera d'eau le village, poursuivra de sa haine Ugolin qui, fou d'amour et de remords, ira se pendre. Ultime coup d'un destin inéluctable décrété par des dieux implacables (Dieu ?), le Papet cynique, cupide et dans la totale incapacité d'anticiper le secret pour lui insaisissable du dénouement de sa destinée, apprendra que Jean était son propre fils : il l'aura ainsi volontairement laissé mourir à la tâche, sous les yeux de Manon, désormais sa propre petite-fille. Ultime ironie du sort : l'enfant à naitre perpétuera la race des Soubeyran, rêve tant convoité de César Papet qui finira dans sa solitude torturé par le souvenir de son crime « Alors tu comprends que je me languis de mourir parce qu'à côté de mes idées qui me travaillent, même l'enfer c'est un délice. » (Manon des Sources fin)

Marcel PAGNOL a tous les talents, le sait et abuse du mélange des genres. le romancier excelle dans le récit, les fulgurances de styles différents, la savoureuse galerie-caricatures de portraits, la reconstitution des us et coutumes de la vie rurale dans la Provence des années 1940. Mais à vouloir trop embrasser pour démontrer l'étendue de sa palette, l'homme de théâtre multiplie dialogues et discours trop foisonnants, et le cinéaste la redondance de séquences inutiles. Pagnol aurait gagné à donner plus de nervosité à un récit ramassé, en élaguant largement dans son oeuvre.

A travers ce récit régionaliste à portée universelle d'une Provence rurale des hauts d'Aubagne, il s'en est ainsi fallu de très peu que Pagnol réalise un pur chef d'oeuvre de notre littérature. Nourri des classiques de l'Antiquité, il retrouve dans L'Eau des collines ses réminiscences des Géorgiques de Virgile et la force du Destin de la grande tragédie grecque dont il évoque en passant Oedipe roi de Sophocle. Avec l'ultime rappel de l'écrivain démiurge : du haut de leur Olympe, les Dieux se jouent des destinées des hommes et lanceront sur eux les foudres de leur justice, punition de leurs crimes, arrogances et silences complices.
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