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Citations sur La Vie de Personne (15)

Elle avait espéré que la dernière étreinte serait aussi inféconde que les précédentes et elle attendait dans une anxiété inquiète le signe périodique du sang libératoire. Mais cette fois l’éternelle blessure d’Eve ne se rouvrit pas : le sang attendu était déjà un grumot de chair autour de moi, il était devenu le premier nœud indestructible de mon corps. Et pas seulement ce sang mais les vagues plus rouges de ses veines, le meilleur de sa nourriture, attirés vers moi, comme dans un tourbillon perpétuel et vorace. Tout ce que je lui dérobais devenait une partie de moi ; tout ce que je parvenais à lui soustraire augmentait ma propre force.
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Un germe anonyme, qui vivait et s’agitait en compagnie d’autres milliers, commence à avoir une vie autonome. Dans l’obscurité des humides canaux maternels il connaît sa route, reconnaît sa moitié et rejoint sans erreur possible l’œuf qui l’attend au milieu du sang préparé et recueilli. Et alors se produit la seconde pénétration –la vraie fécondation, dont l’acte précédent n’était que le symbole et l’antécédent. Et depuis ce moment, à partir de ce moment les deux collaborateurs ne sont plus seuls face à Dieu. De la complicité nécessaire de leur plaisir est né quelqu’un qui paiera dans les larmes et l’ennui le frisson qui les agita et les épuisa. Ainsi commence la vie de tous et la vie de personne.
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Nous parlons toujours : avec la bouche ou sans elle. Nous parlons avec nous-mêmes, avec nos pensées, avec les animaux qui nous suivent, avec les choses qui nous entourent ; nous parlons avec des gestes, avec des signes, avec la pensée. Le parler au moyen de paroles avec les autres hommes n’est qu’un cas particulier –même s’il est fréquent- de notre bavardage infini. La parole interne y est plus familière que la parole externe et quand notre langue est immobile et que notre bouche est fermée, sous le masque taciturne se déchaînent les oraisons et les discours de la plus insidieuse des éloquences, celle qui nous persuade le plus, parce qu’elle a seulement nous-mêmes pour auditeurs.
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Notre vraie naissance, par conséquent, la naissance de notre moi, c’est-à-dire cette conscience d’être quelqu’un d’unique et de permanent que seule la mémoire peut donner, commence à cinq ou six ans. Pour nous la vie commence à ce moment et pas avant. Avant existe le souvenir des autres et non le nôtre. Et les autres nous disent que nous naissons à la lumière du soleil cinq ou six années auparavant et la physiologie nous apprend que nous commençons à exister neuf mois avant la naissance sociale et officielle. Il existe donc, pour chaque homme, trois naissances qu’il faut tenir séparées : la naissance pour la mère ; la naissance pour le monde et la naissance pour nous-mêmes. Les deux naissances qui comptent vraiment sont la première et la dernière et c’est peut-être pour cette raison que les hommes tiennent compte seulement de la deuxième.
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La vie est, toujours et partout, fuite et libération ; sortie de prison, remise en liberté, explosion et éclosion. Toutes les vies, tous les moments de toutes les vies. C’est la liberté que part chercher le papillon qui se détache du cocon ; la liberté, l’oiseau qui brise la paroi fragile de l’œuf ; la liberté, la graine qui tombe du fruit pour donner vie à un arbre nouveau. De même que l’élève de Michel-Ange libère de ‘’l’excès’’ du marbre la statue enfermée et couverte par la lourde forme du bloc, de même tout être vivant doit être le sculpteur de soi-même et mériter sa propre vie en déchirant ce qui le recouvre et l’enveloppe. Le fœtus doit fuir l’immonde sac du placenta s’il veut devenir l’homme ; l’âme doit se libérer du vêtement de chair qui l’ensère si elle veut retourner au divin. La liberté ne se mérite qu’après une longue entrave de captivité, et la vie n’a de saveur qu’après avoir souffert ce qui ressemble à la mort.

L’homme naît prisonnier dans le ventre maternel ; et il en sort en pleurant, et à peine l’enfance heureuse touche-t-elle à sa fin qu’il redevient prisonnier des lois et des jugements de ses compagnons de servitude ; seul le génie reconquiert au prix du sang et des larmes une douloureuse arrhe de liberté – et à la fin la Mort, qui emprisonne de nouveau le corps entre quatre places, nous promet l’évasion définitive dans le néant. Chacun de nos efforts, chacune de nos peines réussit à passer d’une cellule à une autre, et c’est dans ces passages que nous respirons assez de ciel pour supporter les hivers infinis de la solitude sans porte de sortie. (pp. 41-42)
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Chacun de nos efforts, chacune de nos peines réussit à passer d’une cellule à une autre, et c’est dans ces passages que nous respirons assez de ciel pour supporter les hivers infinis de la solitude sans porte de sortie.
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Je commençais vraiment, depuis ce moment à être quelqu’un : je haïssais et je méprisais. Je haïssais ma mère et je méprisais mon père.
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La paix n’est plus possible : nous sommes deux.
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Le fœtus doit fuir l’immonde sac du placenta s’il veut devenir homme ; l’âme doit se libérer du vêtement de chair qui l’enserre si elle veut retourner au divin. La liberté ne se mérite qu’après une longue entrave de captivité, et la vie n’a de saveur qu’après avoir souffert ce qui ressemble à la mort.
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Les efforts que font les hommes, devenus grands, pour vivre et être quelque chose ne sont rien comparés à ceux qu’ils doivent faire avant de naître, pour se constituer cette machine d’os et de muscles, de nerfs et de veines qui les circonscrit dans l’espace, pour les faire s’élever de l’humble statut cellulaire à l’apparence de l’humanité.
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