Wagner savait à qui il avait affaire. Peut-être même pensait-il, comme Nietzsche encore : « qu'un artiste ne peut avoir d'autre patrie que Paris». Depuis sa jeunesse il n'avait cessé de tenir ses regards fixés sur la France, et sa vie était hantée du regret de n'avoir pas reçu chez nous cet accueil qui avait été également refusé à Mozart mais qui avait assuré le triomphe de Gluck.
Le cycle incomparable des drames de Richard Wagner était à peine accompli, sur notre première scène, lorsque des événements trop peu prévus en ont brusquement éteint le rayonnement. L'Allemagne domestiquée par la Prusse, et qui doit à son culte de la force, à son matérialisme intensif l'incroyable décadence où nous la voyons dans toutes les branches de l'esprit, même dans celle où elle était sans égale, la musique, l'Allemagne se manifestait au monde comme la négatrice de tout droit, de toute justice, de toute beauté. Elle déshonorait jusqu'à l'héritage dont elle eût pu être le plus réellement fière.