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Citations sur Ma soeur la vie et autres poèmes (47)

NUIT D’HIVER
  
  
  
  
Le vent soufflait dessus la terre
Et il neigeait.
Et sur la table une chandelle
Brûlait, brûlait.

Comme en été vont sur la flamme
Les moucherons,
Ainsi mouraient contre les lames
De lourds flocons,

Qui, sur la vitre, en ronds, en flèches,
Se déposaient.
Et sur la table une chandelle
Brûlait, brûlait.

Sur le plafond de vagues ombres
Se dessinaient,
Et s’entrelaçaient bras et jambes,
Destins croisés.

Et deux souliers tombaient à terre,
Un bruit discret.
Du lumignon pleurait la cire
Sur le corset.

Tout s’effaçait dans la rafale
Qui blanchoyait,
Et sur la table une chandelle
Brûlait, brûlait.

De l’air soufflait sur la chandelle.
Et l’ange noir
Séducteur soulevait ses ailes
Comme une croix.

La neige tombait de plus belle
Sans s’arrêter.
Et sur la table une chandelle
Brûlait, brûlait.
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ENTREVUE
  
  
  
  
La neige est drue et forte,
Il neige sur les toits.
Je sors devant la porte.
Devant moi je te vois.

Dans un manteau d’automne,
Sans chapeau, sans sabots,
Tu trembles, tu t’étonnes,
Mâchant des flocons d’eau.

Les arbres, les clôtures
Se noient dans le brouillard.
Seule, au coin du mur,
Tu te tiens à l’écart.

De ton fichu l’eau glisse
Lentement jusqu’aux gants,
Et sur tes cheveux lisses
L’eau scintille en tremblant.

Et une blonde mèche
Éclaire ton fichu,
Ta figure si fraîche,
Ton petit pardessus.

Sur tes cils fond la neige,
Tes yeux sont attristés.
Ton visage, pensé-je,
D’un seul bloc est sculpté.

Ton visage en épure
Comme par de l’airain
Marqué de noircissure
En mon cœur est empreint.

Il garde en souvenance
La douceur de ces traits,
Aussi quelle importance
Si le monde est mal fait ?

Aussi la nuit de neige
Paraît scindée en deux ;
Des frontières n’osé-je
Tracer entre nous deux.

Mais qui donc sommes-nous
Quand il ne restera
De ces temps que ragots
Et de nous que les cendres ?


/Traduction d’Hélène Henry
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APRÈS L’ORAGE
  
  
  
  
L’orage a fui ; mais l’air le porte encore.
Tout est vivant comme au premier matin,
Et les lilas efflorescents s’efforcent,
De retenir l’averse déjà loin.

Après l’orage, tout est renaissance ;
Gouttières et chéneaux sont pleins de pluie.
Le ciel, soudain, n’est plus que transparence,
Et le nuage noir s’évanouit.

La main de l’écrivain est bien plus forte,
Qui, partout, chasse boue et saleté.
Transfigurées, de son atelier sortent
La vie, les choses, la réalité.

Ce demi-siècle est oublié. L’orage
Passé en a fait fuir le souvenir.
Le siècle a débordé tous ses barrages.
Il faut ouvrir la route à l’avenir.

Il ne naîtra pas une vie nouvelle
Dans les décombres, les révolutions,
Mais dans les inventions et les appels
D’une âme dévorée par la passion.


/Traduction d’Hélène Henry
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Je voudrais parvenir au cœur Des choses
  
  
  
  
Je voudrais parvenir au cœur
Des choses, en toutes :
Dans l’œuvre, les remous du cœur,
Cherchant ma route.

À l’essence des jours passés,
Leur origine,
Jusqu’à la moelle, jusqu’au pied,
À la racine.

Des faits, des êtres sans arrêt
Saisir le fil,
Vivre, penser, sentir, aimer
Et découvrir.

Ô, le pourrais-je, je ferais,
Fût-ce en fraction,
Huit vers pour peindre les grands traits
De la passion :

Ses injustices, ses péchés,
Fugues, poursuites,
Coudes et paumes, imprévus
À la va-vite.

Et je déduirais ses raisons
Et sa formule,
Je répéterais de son nom
Les majuscules

En vers tracés comme un jardin
Vibrant des veines
Des tilleuls fleuris un à un
En file indienne.

J’y mettrais la senteur des roses
Et de la menthe,
Les prés, la fenaison, l’orage
Au loin qui gronde.

Tel des fermes, bois et jardins
Et sépultures
Le miracle enclos par Chopin
Dans ses études.

Le jeu du triomphe accompli
Et son tourment,
C’est la corde qui se raidit
Quand l’arc se tend.


/Traduction d’Hélène Henry
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Le vent se tait dans le ciel vide
  
  
  
  
Le vent se tait dans le ciel vide,
Le sol s’inonde de soleil,
Et le feuillage est translucide
Comme l’ouvrage d’un vitrail.

On dirait des vitraux d’un temple,
Vers l’éternité, le regard
Auréolé de vigilances
Des ermites, des saints, des tsars.

Et l’espace entier de la terre
M’est une nef d’où me parvient
Comme à travers une verrière
Parfois l’écho d’un chœur lointain.

Nature, monde, sanctuaire
De l’univers, accorde-moi
D’assister à ton long office
Avec des larmes de délices
Et saisi d’un frisson sacré.


/Traduction d’Hélène Henry
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JOURNEES SANS PAREILLES
  
  
  
  
Au long des hivers innombrables
Je revois les jours de solstice.
Ils étaient tous inimitables
Et s’imitaient à l’infini.

Leur longue chaîne jusqu’au bout
Maille après maille s’est formée
De tous ces jours sans pareils, où
Le temps nous semblait arrêté.

Je vois comme si c’était hier :
Les toits et les chemins ruissellent,
Bientôt le milieu de l’hiver,
Sur un glaçon dort le soleil.

Plus ardemment, tout comme en rêve,
Se cherchent les bras des amants,
Et dans les arbres, sur les faîtes,
Suintent les nids fiévreusement.

Et, paresseuses, les aiguilles
Somnolent le long du cadran.
Le jour s’étire en décennies,
L’étreinte dure infiniment.


/Traduction d’Hélène Henry
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IL NEIGE
  
  
  
  
C’est la neige, c’est la neige.
Fascinés par ses flocons
Les géraniums se tendent
Au-delà des croisillons.

C’est la neige et tout s’égare,
Tout s’envole aux alentours,
L’escalier aux marches noires,
Le tournant du carrefour.

C’est la neige, c’est la neige,
Ces flocons qui tombent, c’est
Le ciel qui descend sur terre
En pelisse rapiécée.

Qui, furtif et l’air fantasque,
Nous arrive du grenier
En jouant à cache-cache
Dans la cage d’escalier.

Car la vie ne peut attendre.
C’est Noël, et moins de temps
Qu’il ne faut pour vous le dire,
C’est déjà le nouvel an.

Et la neige tombe, épaisse.
Dans son pas, du même pied,
Avec la même paresse,
La même célérité

Va peut-être le temps même
Les années peut-être vont
Comme les mots d’un poème
Ou la neige à gros flocons ?

C’est la neige, c’est la neige,
C’est la neige et tout s’égare,
Les passants enfarinés
Et les plantes étonnées,
Le tournant du carrefour.


/Traduction sous la direction d’Hélène Henry
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SÉPARATION
  
  
  
  
Un homme contemple du seuil
L’intérieur, immobile.
Elle est partie en un clin d’œil.
Partout, c’est le désastre.

Partout, c’est un chaos confus.
Il le remarque à peine,
Car les larmes brouillent sa vue,
Et il a la migraine.

Sous son front il entend un bruit.
Réalité ou rêve ?
Mais pourquoi voit-il devant lui
La mer battant la grève ?

Quand le givre empêche de voir
Dehors le vaste monde,
A ce moment le désespoir
Est une mer profonde.

Il chérissait les moindres traits
De son corps, de son être,
Comme la mer chérit les baies
Où ses eaux vont renaître.

Comme roseaux qu’au fond de l’eau
Engloutit la tempête,
Gît en son cœur, sacré dépôt,
Toute sa silhouette.

Durant les temps des grands tourments,
Temps cruels et sauvages,
La vague d’un sort violent
La poussa vers sa plage.

Parmi d’innombrables dangers,
Renversant les obstacles,
Jusqu’à lui elle fut poussée
Sur la crête des vagues.

La voici partie à présent
Par contrainte peut-être,
L’éloignement, d’un mal rongeant,
Lentement les pénètre.

Et l’homme à ces objets épars,
À ces robes jetées,
Comprend qu’au moment du départ
Elle était affolée.

Il va, il vient et jusqu’au soir,
Dans les tiroirs, il range
Et des chiffons et des mouchoirs,
Et des châles à franges.

Quand dans l’ouvrage resté là,
Il se pique à l’aiguille
Alors soudain il la revoit,
Et il pleure en silence.


/Traduction sous la direction d’Hélène Henry
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Colline des moineaux

Des seins sous les baisers, comme sous un robinet !

Le stream de l'été ne fonctionnera pas éternellement.

Nous ne pouvons pas pomper le rugissement de l'accordéon

nuit après nuit, dans une fièvre poussiéreuse.



J'ai entendu parler de l'âge. Terribles prophéties !

Aucune vague ne lèvera les mains vers les étoiles.

Ils disent – ​​qui croit ? Pas de visage dans les feuilles,

pas de dieux dans l'air, dans les étangs : pas de cœurs.



Éveille ton âme ! Faire la journée, mousser.

Il est midi dans le monde. Où sont tes yeux ?

Voyez là, des pensées dans la blancheur bouillonnant,

des pommes de sapin, des pics, des nuages, de la chaleur, des pins.



Ici, les lignes de tramway de la ville s'arrêtent.

Au-delà il n'y a pas de rails, ce sont les arbres.

Au-delà - c'est dimanche, casser des branches,

la clairière s'enfuit, glisse sur les feuilles.



Midis dispersés : Pentecôte : marche,

« Le monde est toujours comme ça », dit le bois.

Alors le bosquet l'a planifié, la clairière a été racontée,

Alors elle se déverse, des nuages, vers nous.
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août

C'était sa promesse, fidèlement tenue :
Le soleil du petit matin est venu ainsi
Jusqu'à ce que l'angle de son rayon de safran
Entre les rideaux et le canapé,

Et avec sa chaleur ocre il se soit répandu sur
Les maisons du village, et le bois voisin,
Sur mon lit et sur mon oreiller humidifié
Et jusqu'au coin où se trouvait la bibliothèque.

Puis je me suis souvenu de la raison pour laquelle mon oreiller
avait été si mouillé par ces larmes qui coulaient
- j'avais rêvé que je vous voyais venir une à une à
travers le bois pour me souhaiter vos adieux.

Vous êtes venu à un ou à deux, une foule éparse ;
Puis soudain quelqu'un prononça un mot :
C'était le 6 août, par Old Style,
Et la Transfiguration de Notre-Seigneur.

Car du mont Thabor, habituellement ce jour-
là, vient une lumière sans flamme pour briller,
Et l'automne attire tous les regards sur lui-même
Aussi clair et indubitable qu'un signe.

Mais tu
t'avançais à travers le minuscule et dépouillé, Le pauvre et tremblant bosquet d'aulnes,
Dans le taillis du cimetière, roux,
Qui, comme du pain d'épice estampé, gisait là et brillait.

Et avec le silence de ces hautes cimes
N'était voisin que le ciel imposant
Et dans l'écho du chant des coqs
Les distances et les distances résonnaient :

Là dans le cimetière sous les arbres,
Comme un arpenteur du gouvernement
mort regardait mon visage pâle pour estimer
Quelle taille une tombe conviendrait à ma mesure.

Tous ceux qui se tenaient là pouvaient distinctement entendre
Une voix douce émerger de l'endroit où j'étais étendu :
La voix était à moi, mon passé ; paroles prophétiques
Qui résonnaient maintenant, non souillées par la pourriture :

« Adieu, merveille d'azur et d'or
Entourant la puissance de la Transfiguration :
Apaisez maintenant avec la dernière caresse d'une femme
L'amertume de mon heure prédestinée !

« Adieu l'étendue intemporelle des années qui passent !
Adieu, femme qui a lancé ton défi acharné
Contre l'abîme des humiliations :
Car c'est moi qui suis ton champ de bataille !

'Adieu, envergure d'ailes ouvertes déployées,
L'obstination volontaire du vol,
ô figure du monde révélée par la parole,
Génie créateur, puissance émerveillante !
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