Citations sur Testo Junkie : Sexe, drogue et biopolitique (14)
L'ignorance complète du futur était la condition de possibilité pour continuer à vivre dans le présent. De même qu'il est nécessaire d'oublier pour rester vivant, il est nécessaire de ne pas connaitre l'avenir pour pouvoir attendre dans la candeur que le temps passe.(...) Personne ne retomberait amoureux s'il existait une mémoire psychosomatique précise de la dernière rupture, ou si nous connaissions à l'avance les circonstances exactes de la fin de l'amour qu'on s'apprête à commencer.
Ton sexe, ton désir et ton genre sont le nouveau supermaïs transgénique de l'industrie pharmacopornographique: si tu veux jouir, Viagra; si tu veux éviter la reproduction sexuelle, pilule; si tu veux changer ton timbre de voix ou ta masse musculaire, androgènes; si tu veux avoir des fantasmes sexuels, Dorcel, Hotvideo, Playboy...
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Le sexe de V.D. parle le langage de la révolution.
La persécution des sorcières peut donc être interprétée comme une guerre des savoirs experts contre les savoirs populaires et non professionnalisés, une guerre des savoirs patriarcaux contre les savoirs narco-sexuels, traditionnellement exercés par les femmes et les sorciers non autorisés.
Impossible d'imaginer l'essor du capitalisme sans l'institutionnalisation du dispositif hétérosexuel comme mode de transformation en plus-value des services sexuels, de gestation, de prise en charge réalisés historiquement par les femmes, et non rémunérés. Nous pourrions évoquer une dette du travail sexuel non payé que les hommes hétérosexuels auraient contractée historiquement vis-à-vis des femmes de la même façon que les pays riches se permettent de parler de la dette extérieure des pays pauvres. Si la dette pour services sexuels était soumise à intérêts, toutes les femmes de la planète recevraient une rente à vie qui leur permettrait de passer le restant de leurs jours sans travailler.
Nos sociétés contemporaines sont des laboratoires sexopolitiques gigantesques où sont produits les genres. Le corps, les corps de tous et de chacun d'entre nous, sont les enclaves précieuses où s'effectuent sans cesse des transactions de pouvoir. Mon corps = le corps de la multitude. Ce que nous appelons sexe, aussi bien que genre, masculinité, féminité, sexualité, sont des " techniques du corps ", extensions biotechnologiques propres au système sexopolitique dont l'objectif est la production, la reproduction et l'expansion coloniale de la vie hétérosexuelle humaine sur la planète.
Pendant qu'on baise, je sens que toute mon histoire politique, toutes mes années de féminisme avancent directement vers le centre de son corps pour s'y déverser, comme si elles trouvaient sur sa peau leur unique, leur véritable plage. Quand je jouis, Wittig et Davis, Woolf et Solanas, la Pasionaria et Kate Bornstein, bouillonnent avec moi. Elle est couverte de mon féminisme comme d'une éjaculation fine, un océan de paillettes politiques.
La testostérone est une des rares drogues qui se diffuse par la sueur, de peau à peau, de corps à corps.
Le nouveau sujet hégémonique est un corps (souvent codifié comme masculin, blanc et hétérosexuel) pharmacopornographiquement supplémenté (au Viagra, à la coke, à la pornographie, etc.), consommateur de services sexuels paupérisés (souvent exercés par des corps codifiés comme féminins, enfantins, racialisés)
Que faire de toutes les années où je me suis définie comme féministe ? Quel genre de féministe suis-je aujourd'hui, une féministe accro à la testostérone, ou un transgenre accro au féminisme ?