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Critique de Ogrimoire


Tout le talent de Frédéric Paulin semble être, lorsque l'on considère cette trilogie, de se fondre dans son sujet. L'écriture de la guerre est une ruse n'est pas la même que celle de Prémices de la chute, et toutes les deux diffèrent encore de la façon dont est organisé et écrit ce troisième opus, La fabrique de la terreur. Peut-être est-ce, au moins en partie, lié au fait que l'on est de plus en plus proches des événements, puisque ce dernier tome couvre la période allant de 2010 à 2015, avec les attentats de Charlie Hebdo et de l'Hyper Casher, en janvier, et ceux du Stade de France, des terrasses et du Bataclan en novembre. Et cette plus grande proximité rend probablement plus difficile la prise de recul.

Dans la chronique de la guerre est une ruse, j'évoquais une description clinique de la situation. Ici, on n'est plus dans le clinique : on est davantage dans l'émotion. Et là où, dans la première partie, c'est au travers des personnages et de leur évolution que Frédéric Paulin créait l'émotion, ici on a le sentiment que nos épidermes sont encore tellement à vif…

Et si je devais décrire en un mot ce livre, je dirai que je l'ai reçu comme le roman du désarroi. Désarroi des hommes et des femmes : de Tedj, en retraite forcé, obsédé par des cauchemars qu'il ne maîtrise plus ; de Laureline, qui se sent écartée, vieille, dépassée ; de Réif, séparé de Vanessa, devenu professeur à Lunel, où il est confronté à l'opposition de plus en plus forte des communautés ; mais aussi, au fur et à mesure du livre, de plusieurs personnages partis vivre leur foi musulmane et qui découvrent une réalité qui les heurte.

Mais le désarroi est aussi celui des institutions. La DCRI, créée par Nicolas Sarkozy de la fusion des Renseignements généraux et de la DST, montre ses insuffisances, mais aussi comment sa création, mal préparée, a surtout provoqué une perte de « mémoire ». le service Action de la DGSE également, représenté dans le livre par le capitaine Pantani, mesure sur le terrain tout le décalage entre les discours politiques et la réalité du terrain. La citation initiale, dans laquelle Pantani annonce le lâchage des Kurdes par les Occidentaux, montre bien comment ces hommes étaient en porte-à-faux.

Désarroi, enfin, des sociétés. En Europe, dans les banlieues, des jeunes désoeuvrés, désabusés, découragés, à qui des groupes islamistes proposent un chemin ; de l'autre côté de la Méditerranée, des pays qui, après avoir subi le joug des colonisateurs, ont été saignés à blanc par des autocrates. Tout cela a fabriqué cette terreur, que chacun ressent mais dont personne ne sait comment sortir. Alors les vieux réflexes reviennent, la peur engendre la violence, quand on n'a plus rien à perdre…

On n'imaginait pas une fin heureuse. Frédéric Paulin ne nous la joue pas à la Disney, c'est le moins que l'on puisse dire. Chacun avance vers l'inexorable destin qui nous attend tous…

J'ignore d'où l'auteur tire ses informations, notamment sur l'état des services, le moral des troupes, la vision désenchantée incarnée par Pantani. Mais, dans tous les cas, mention spéciale doit être faite sur la précision des situations, des sources : probablement un gros travail de recherche !
Lien : https://ogrimoire.com/2020/1..
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