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Critique de karmax211


Un polar, un thriller, un roman noir ou d'espionnage... peu importe le qualificatif que vous lui octroierez, il y a un peu ou beaucoup de chacun dans cet ouvrage aux vertus historiques et pédagogiques.
Car sous couvert de destins qui se croisent ( c'est un peu leur raison d'être ( sourire )), l'auteur profite de ces vies dont l'histoire avec une minuscule se heurte à celle avec une majuscule, pour nous "expliquer" l'incroyable imbroglio qui plongea l'Algérie des années quatre-vingt-dix dans une violente et sanglante guerre civile qui fit un nombre de victimes dont les chiffres varient entre 150 et 700 000 morts.
La difficulté dans ce genre de chronique, c'est que s'adressant à des générations différentes, il n'est pas évident de savoir pour certains ce que fut la guerre d'indépendance de l'Algérie, indépendance acquise en 1962 avec les Accords d'Évian, et si presque tout le monde a entendu parler des Pieds Noirs, moindrement des Harkis, il n'est pas simple d'expliquer ce que fut le FLN, l'OAS, qui furent Ben Bella et Boumédiène et ce que devint l'Algérie postcoloniale qui donna naissance à la fin des années quatre-vingt et au début des années quatre-vingt-dix au FIS, au GIA et un "état terroriste".
Vous le savez et si vous l'ignorez, laissez-moi vous rappeler que le pouvoir algérien ayant organisé en décembre 1991 des élections législatives, le FIS ( Front islamique du salut ) parti politique créé en 1989 par des islamistes tels Abbassi Madani, Hachemi Sahnouni, Ali Belhadj, Said Guechi, Adelbaki Sahraoui, et Kamel Guemazi ( que l'on retrouve dans le roman ), se trouve après le premier tour du scrutin sur le point de remporter les élections en question.
L'armée ( au pouvoir depuis l'indépendance ) prend peur, et au prétexte du danger du basculement du pays en un État islamique dont la constitution serait remplacée par la charia, priverait en plus les militaires des fruits de la manne du pétrole et du gaz... les élections sont annulées et le FIS dissout en mars 1992.
Le FIS devenu hors la loi, paria, ses militants traqués, arrêtés, torturés, exécutés, devient une organisation clandestine et "terroriste".
L'armée pour se refaire "la cerise", se donne le beau rôle en se présentant comme le seul rempart à l'islamisme et à sa terreur.
Pour cela il faut qu'elle sème elle-même la terreur, en la faisant endosser par le FIS et le GIA.
Des escadrons de la mort sont créés.
Des camps de concentration "secrets" sont ouverts dans le sud algérien.
Bref, "Au cours de l'année 1997, plus de 350 journalistes de la presse internationale se rendent en Algérie pour comprendre qui tue ? À l'effroi des récits de rescapés, le doute s'immisce quant à la responsabilité de ces massacres .
« Les massacres collectifs de cette année se sont déroulés dans…. Sont-ils l'oeuvre du GIA (groupe islamique armé), d'escadrons de la mort ? Comment expliquer la non-intervention des soldats de l'armée nationale populaire ? Ces doutes ont vite laissé place aux accusations.
Pour les uns, la responsabilité du GIA ne fait aucun doute, ce dernier ayant d'ailleurs revendiqué ces tueries. Pour les autres, le GIA est en fait un “Groupe infiltré armé” qui obéit aux services de l'armée et réalise la “sale guerre” que l'armée nationale se refuse à pratiquer.
Loin d'être un épiphénomène dans la guerre civile (quelques centaines de civils sur plus de 100.000 victimes), les massacres sont révélateurs de la nature de l'État, de l'imaginaire et de la stratégie des protagonistes ."
C'est dans ce contexte que nous faisons la connaissance de Tedj Benlazar, un agent tout cabossé de la DGSE, ancien para qui a survécu à l'attentat de Beyrouth contre l'immeuble Drakkar qui causa la mort de cinquante-huit parachutistes français en 1983, Benlazar qui n'a que des rapports téléphoniques avec sa femme et ses deux filles restées en France.
Avec Rémy Bellevue, son supérieur, surnommé "le Vieux", et qui a toujours un coup d'avance ; ce qui en clair signifie qu'il a compris les rapports consanguins entre l'armée algérienne et le GIA.
Il y a Gh'zala Boutefnouchet, une bellissime étudiante, fiancée à Raouf Bougachiche, un membre du FIS que l'armée a retourné, future belle-soeur de Slimane Bougachiche le frère, militaire devenu une bête à tuer ; Gh'zala dont va passionnément s'éprendre Benlazar.
Il y a Fadoul Bousso, enseignante tchadienne qui a quitté à N'djamena pour vivre avec Rémy Bellevue.
Ces personnages centraux ainsi que les "seconds rôles "sont des visions, des accroches de la question algérienne, du post et du néo-colonialisme des puissances qui rivalisent pour mettre la main sur le continent africain, de la France Afrique, de la place et du rôle des femmes tant en Occident et dans ses démocraties qu'en Afrique et dans ses pays totalitaires.
Benlazar et Bellevue, envers et contre tout vont tenter de prouver à leur hiérarchie ( Mitterrand, Balladur, Pasqua, Chirac...) l'implication de l'armée dans le terrorisme imputé aux seuls islamistes, et tenter de déjouer la guerre prête à s'exporter dans l'hexagone.
Malheureusement, je ne dévoile rien, vous vous souvenez du détournement et de la prise d'otages du vol d'Air France 8969 en décembre 1994, de l'attentat du RER en 1995 et un nom que vous n'avez pas oublié : Khaled Kelkal.
Pour les plus jeunes, je les renvoie au film de Xavier Beauvois - Des hommes et des dieux -, qui raconte l'enlèvement et l'assassinat des moines de Tibhirine en 1996... enlèvement et meurtre dans lequel il est quasiment sûr que GIA et armée algérienne ont oeuvré main dans la main.
C'est dans ce contexte très lourd humainement, politiquement et historiquement que se situe - La guerre est une ruse -.
J'avoue avoir été davantage intéressé par L Histoire avec un grand H que par les histoires des protagonistes peu approfondies, quelquefois tirées par les cheveux d'une nécessité romanesque moins à l'aise dans ce genre que lorsque Frédéric Paulin essaie de démêler les fils politiques du récit et d'offrir une thèse qui fait mieux que tenir la route.
L'écriture est celle d'un bon polar.
L'auteur ne se perd pas dans sa trame.
Les personnages ont de la consistance à défaut d'avoir tous et toujours de la crédibilité.
Cela étant, je ne me suis pas ennuyé une seconde à la lecture du premier tome de cette trilogie... qui a le mérite d'avoir été entreprise... car ce sujet s'il fut notre hier, est encore notre aujourd'hui, et sera inévitablement notre demain.
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