Cette rencontre avec Karim Madani s'est tenue à la bibliothèque Elsa-Triolet de Bobigny le 5 avril 2022 dans le cadre du festival Hors limites, suite à la parution du son livre "Tu ne trahiras point" publié aux éditions Marchialy en 2021.
Maricygne di Matteo a fait résonner la voix et le style si particulier de l'auteur sur le sujet, pendant que l'ancien graffeur vandale Stesi a réalisé in situ plusieurs graffs.
Dans les années quatre-vingt à Paris, le graffiti n'appartient pas encore aux galeries et aux commandes publiques, et le métro parisien est un véritable champ de bataille. Tu ne trahiras point est l'histoire très documentée de ces graffeurs vandales adolescents, pour qui cartonner le métro et les murs de toute l'Île-de-France de tags et de blazes à la bombe aérosol vaut bien toutes les courses-poursuites et les ennuis judiciaires qui en découlent.
Affiliés au grand banditisme et traités comme les pires délinquants du moment par la RATP et la police nationale, les cinquante six prévenus finissent par être présentés à la Justice en 2012 lors du procès de Versailles, onze ans après l'immense coup de filet réalisé grâce à des moyens alloués inédits en la matière.
Entre récit et enquête, le livre que Karim Madani a tiré de cette affaire, retrace avec fougue et passion une époque méconnue de ce qu'a été la genèse du graffiti parisien, sa sociologie et ses protagonistes, avec pour fil rouge la trajectoire de l'un d'entre eux, le graffeur Comer.
Une production de l'Association Bibliothèques en Seine-Saint-Denis
Captation : Wael Sghaier & Thomas Dudan
Interview : Lucie Nebas & Élodie Alexander, de la bibliothèque Elsa Triolet de Bobigny
#médiathèque #SeineSaintDenis #festival #littérature
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"Les mecs, c'est comme les places de stationnement, les meilleurs sont pris, et ceux qui restent sont pour les handicapés ou trop petits..."
Je lui ai répondu qu’en parfaite monomaniaque FFO je n’ai AUCUN PROJET D’AVENIR (si ce n’est traînasser dans les bas-fonds de la Ville Basse avec un paumé volant et affublé de collants, l’aider à dégommer quelques gangsters, fumer de l’herbe pendant que le corporate world – auquel tu appartiens, maman chérie – nous la met bien profond).
"A aucun moment de notre conversation elle ne m'a jeté un de ces regards auxquels je suis maintenant accoutumée, genre 'ma pauvre fille, tu devrais être allongée sur un divan avec un type au crâne dégarni et à la voix douceâtre qui te montre des petits cartons barbouillés d'encre en te demandant à quoi ces taches te font penser'."
Vous qui découvrirez mon Journal Infirme, ne me demandez pas, ne vous demandez pas dans quelles conditions j’ai écrit ces lignes – sur le vif, le cahier planqué sous mon pupitre, ou dans mon lit, le soir, le corps au chaud et l’esprit en paix ?... Peu importe. Ce Journal a pris forme comme tous les monstres naissent, par accident ou par miracle ; c’est tout. J’ai volé des moments au temps pour le remplir. De jour comme de nuit. Ah, une dernière chose : ne me jugez pas trop vite, frères humains qui après nous vivez… Je me fiche de vos larmes ; ce que nous allons faire est carrément génial, jouissif. Un vrai trip, rien à regretter.
Je joue pour évacuer tout ce stress, cette pression.Regarde autours de toi, mec, c'est un monde froid, un monde merdique. Ils ont kidnappé l'amour, ils l'ont foutu dans un van blanc et l'ont balancé dans l'Hudson. Ils ont carjacké le véhicule de l'espoir et il a servi à braquer la compassion, ils ont fait une tournante avec la paix dans une cave puante, ils ont sodomisé l'harmonie, mais ils n'auront pas la foi. ma foi. Ma poësie.
"Il aurait pu prendre son stylo, là, et balafrer la feuille blanche, raconter huit millions d'histoires sur cette ville, mettre en prose et en névrose la vie, les vies de tous les gens de son quartier, il aurait pu poétiser leurs psychoses, rendre leurs traumas plus accessibles à l'auditeur."
Vendredi 1er février. Dans tous les immeubles de rapport d’Hanoukka, des collecteurs encaissaient les loyers. À peine l’inspectrice partie, un jeune gars vif et musclé tapa à la porte. Maxime hésita avant d’ouvrir, mais il savait que l’homme de main de monsieur Salomon ne le lâcherait pas avant d’avoir récolté le fric du loyer.
– Laisse-moi une semaine, fit Maxime, qui avait du mal à respirer.
– Tu m’as fait le même coup le mois dernier. Je t’ai laissé une semaine et tu as payé au bout de quinze jours.
– Je suis un peu juste ce mois-ci… Tu sais que ma mère est malade et que les médicaments me coûtent un fric fou.
– Des histoires comme la tienne, on m’en sert tous les jours. Tu n’imagines même pas tous les gens malades, à l’article de la mort, tous les endettés, toutes les mères avec des bébés qui ont dépensé l’argent du loyer en couches et en lait en poudre. Tous les jours j’entends des histoires tristes. Mais monsieur Salomon me paie pour collecter l’argent des loyers, pas pour écouter toutes ces jérémiades.
Les agences immobilières envoyaient des huissiers avec des commandements de payer. Monsieur Salomon envoyait des ex-boxeurs qui cassaient les mâchoires des mauvais payeurs, avant de les expulser manu militari. Dans les immeubles de rapport qui lui appartenaient, les procédures d’expulsion ne se réglaient jamais devant une juridiction compétente. Elles étaient expéditives.
– Une semaine, pas plus. Sinon, tu connais la chanson. Je vous jette à la rue, ta mère et toi. Et me dis pas : non, un juif peut pas faire ça à un autre juif. C’est juste du business. On fait pas dans l’humanitaire.
Maxime ferma la porte. Sa mère buvait un café dans la cuisine.
– C’était qui, mon chéri ?
– Rien. Encore un ramoneur. Je lui ai expliqué qu’on n’utilisait plus notre cheminée.
Plus que jamais, il avait besoin de fumer un joint. Il était sur le point de se consumer.
"SMS : Syntaxe réduite au Minimum Syndical"
Maxime ouvrit la porte et l’inspectrice ne fut pas surprise par le spectacle pathétique qui s’offrait à elle, le capharnaüm, la vieille femme dans son peignoir sale et malodorant qui déblatérait, suintant de démence, et son fils de vingt-cinq ans, qui avait l’air toujours à côté de la plaque. Elle exhiba le formulaire de placement en hospice. Max avait l’impression que quelqu’un s’amusait à trancher dans le vif de son système nerveux, au scalpel.
– Elle ne peut pas aller à l’hospice, geignit Max.
– Il y a une autre solution, mais elle n’est pas dans vos moyens.
L’institut Chaplin d’éveil et de thérapie structurelle. Cinquante mille balles pour deux ans.
Maxime ne disposait pas d’une telle somme. Il était coursier dans une boîte spécialisée dans le matériel photo et cinéma. Il touchait à peine le salaire minimum.
Maxime vidait une boîte à chaussures remplie de photos, de figurines et d’autres bibelots, à la recherche de son dernier gramme de beuh. Il avait la tête en feu, tourbillonnant dans l’œil du cyclone d’une crise de spasmophilie autour de sept sur l’échelle de Richter. L’inspectrice des services sociaux tambourinait contre la porte, et Hannah s’asphyxiait lentement dans un nuage toxique d’Alzheimer, en tenant des propos incohérents. Les monologues du sarin