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Critique de michfred


Yougoslavie quand tu nous tiens...

Après Demain la brume de Timothée Demeillers voici L'eau rouge de Jurica Pavicic.

A priori chaque écrivain à sa façon raconte l' effondrement de ce pays. .

le premier, français, sous la forme d'un roman choral, de la mort de Tito au martyre de Vukovar, raconte les premières fêlures puis l'embrasement de la guerre civile.

Le second, qui vit à Split en Croatie, a choisi la forme d'un roman policier. Mais celui ci commence-est-ce bien un hasard ?-fin septembre 1989, au moment de l'effondrement du communisme en Yougoslavie.

Un soir, Silva, sanglée dans un imper rouge, salue son père, sa mère et son frère jumeau. Elle va boire et danser à la fête du village. C'est la dernière fois qu'ils la voient.

L'eau rouge, c'est l'histoire d'une disparition, d'une enquête qui s'enlise et piétine, d'une quête qui lamine un à un les membres de cette petite famille jusqu'à les séparer tout à fait, et d'une interrogation portée par la fidélité d'un frère et l'obstination d'un inspecteur atypique recyclé dans l'immobilier, quand longtemps après la guerre la côte dalmate, est devenue un haut lieu du tourisme de masse.

Un polar qui s' étiré de 1989 à 2017...on peut faire plus concentré comme intrigue. C'est dire si le suspense n'est pas son ressort premier...

Est ce bien un polar ? L'eau rouge c'est plutôt une enquête sur le phénomène de la disparition..

En toile de fond, discrètement, se déchire et se défait la Yougoslavie. Comme Silva, elle disparaît.

Quand on la revoit c'est une illusion qui se dissipe cruellement. Les protagonistes changent, s'abîment, se distinguent ou s'effacent, leurs étoiles brillent, s'éteignent. Les dealers et les crapules prennent du galon, les profs n'aiment plus leurs élèves, les inspecteurs sont devenus des promoteurs...

Le temps passe, lente machine à meuler les espoirs, à rogner les rêves, à lisser les ombres..

le temps passe et pourtant il reste quelque chose de la silhouette sanglée dans son imper rouge. Comme une tache de sang. Indélébile.

Un beau récit auquel on se fait prendre même si très vite on en comprend la volonté de distanciation, le parti pris de recul, de lenteur.

Très original et déconcertant. Écrit avec une nonchalance objective qui masque pudiquement une profonde nostalgie.
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