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Citations sur Là-bas, août est un mois d'automne (27)

Elle rit, la joue toujours posée contre son poing, désinvolte, presque avachie mais ce n'est pas le mot, on lui voit cette attitude sur de nombreuses photos, la tête lourde comme l'ange de Dürer, la pose mélancolique par excellence. Au journaliste qui veut absolument lui faire cracher que son frère est solitaire, qu'il l'a toujours été, elle répond que non, non, pas tellement, non, il n'était pas solitaire.
Sinon par la force des choses: la ferme de leur enfance était isolée, on ne pouvait y mener qu'une vie retirée. Une vie merveilleuse, ce temps d'enfance, soupire-t-elle.Son frère le lui redisait il y a peu: on ne peut pas remplacer la vie dans une ferme par autre chose.Une maison dans un village, ce n'est pas du tout pareil.

( p.134)
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Là-bas, août est un mois d’automne. Les matins sont frais, le soir on ne s’attarde plus sans châle ou couverture sur le banc devant la maison ; au verger, certains arbres tirent déjà sur le jaune. Mais quitte à prendre mes libertés avec les faits historiques et météorologiques, je décide que cette année l’été insiste, les températures remontent comme aux pires heures de juillet. L’espace de quelques journées, l’été brûle ses vaisseaux.
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Quand je lève les yeux, je vois simplement des arbres, là où Gustave et Madeleine voyaient des tilleuls, des aulnes, des acacias, des érables. J’écris sur des gens qui étaient capables de nommer les choses, les fleurs et les bêtes, alors que j’ai besoin d’une application sur mon téléphone qui identifie les oiseaux par leur chant, les plantes par la forme de leurs feuilles, et je dois vérifier sur des sites de jardinage la période de semaison du blé et de floraison des cyclamens. C’est peut-être ce qui me fascine, chez ces deux-là, leur manière lente et savante d’éprouver l’épaisseur des jours. Et puis les doutes qui subsisteront toujours : je n’ai aucun moyen d’établir avec certitude si le corridor, à leur retour ce soir-là, sentait le clou de girofle, l’humidité ou la cire d’abeille, le feu, la viande ou la naphtaline.
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Konrad emmena la photo dans le salon et s'installa sur la chaise devant le bureau du vieil homme. Il regardait à tour de rôle les articles de presse qu'il avait à la main, le livre ouvert sur le bureau et le cliché posé devant lui en pensant à son père, à la jeune fille assassinée, à l'ocupation militaire, aux séances de spiritisme, aux âmes torturées des défunts et à ce vieux célibataire allongé dans sa chambre, qui semblait endormi alors qu'on l'avait étouffé.
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Les matins sont frais, le soir on ne s’attarde plus sans châle ou couverture sur le banc devant la maison ; au verger, certains arbres tirent déjà sur le jaune…
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En sortant du jardin, il repasse devant les digitales de la cour. À les voir dans cet état, petits tas pourpres à terre, on ne croirait pas qu’elles sont toxiques. Sa tante l’avait prévenu, un jour il y a très longtemps : si tu en manges, ton cœur s’arrête.
C’est peut-être son premier souvenir, qui remonterait aux toutes dernières années du XIXe siècle. Des poules prennent leurs aises dans la vieille cuisine de la ferme de leur enfance ; une soupière à moitié pleine se balance dans le large manteau de cheminée. Il a deux ou trois ans et observe sa tante accroupie, jupes aristocratiquement vastes en corolle autour de son corps ramassé. Elle a mis à bouillir des gerbes entières de gants de Notre-Dame : les fleurs se tordent, fondent, précipitent et réduisent. Une décoction aux propriétés de magie blanche, dont elle badigeonnera les interstices du dallage pour empêcher les morts et les mortes, là-dessous, d’exercer leur influence. Si tu en manges, ton cœur s’arrête. Où est Madeleine ? Assis sur le sol, Gustave joue avec une fleur qu’il a sauvée de la marmite. Si c’est un gant, on doit pouvoir l’enfiler : ses petits doigts cherchent le moyen de s’enfoncer dans la grappe.
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Debout, penchée, Madeleine tournait les pages. Elle a feuilleté d’autres numéros. Elle a lu plusieurs fois les propos du président Kennedy puis son regard a accroché le mot COMPTOIR, en majuscules, au sommet d’un encadré. C’était donc bien déjà l’automne.
Comme chaque année, en septembre, on se rendrait à la foire nationale : on descendrait en ville, on irait se serrer dans les halles du Palais de Beaulieu pour palper des tissus et des pièces de confection, assister à des démonstrations de robots électroménagers, s’allonger sur des matelas sophistiqués, interroger les spécialistes de l’horlogerie de haute précision, admirer d’énormes bœufs à la croupe luisante. Mais l’encadré promettait une année exceptionnelle : pour son édition 1962, le Comptoir avait l’honneur d’accueillir la première exposition officielle en Europe de l’Administration américaine de l’aéronautique et de l’espace – la très puissante NASA. Madeleine a découpé l’encadré qu’elle a rangé dans le tiroir du buffet où s’empilent les liasses jaunies de nouvelles anciennes.
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