Le mystère, souvent, nous effraie. Nous avons peur de ce que nous ne comprenons pas. La beauté, elle, nous propose une expérience heureuse du mystère. Peut-être est-ce finalement sa plus grande vertu : nous apprendre à aimer ce que nous ne comprenons pas.
D’une certaine manière, chaque émotion esthétique nous rappelle que nous pouvons être créateurs.
Nous avons besoin de la beauté pour éprouver autrement la vie en nous, pour être présents à nous-mêmes de manière plus pleine et plus complexe. La beauté nous aide à accueillir le mouvement de la vie en nous.
Devant la beauté d’une rose, d’un paysage, parfois d’une chanson, d’un tableau ou d’une sculpture : la question du sens n’est pas la bonne question. La beauté s’offre à nous comme une pure présence, et c’est pourquoi elle est une chance pour nous : celle d’éprouver, au moins un instant, notre existence aussi comme une pure présence. De ressentir alors la joie qu’il y a à simplement exister. Devant la beauté, plus aucune question n’est bonne : il ne s’agit en effet plus d’interroger le réel mais simplement, pour une fois, d’exister.
La beauté ? Oui, toute la beauté. La beauté d'un ciel de montagne, la beauté de falaises tombant dans la mer comme celle d'une mélodie surgie de l'autoradio, la beauté d'un tableau comme la beauté d'un homme, d'une femme, d'une église ou même d'un objet la beauté, les beautés, toutes les beautés : ce qui nous intéresse ici n'est pas ce qui fait beau mais ce que la beauté nous fait.(...)
J'ai eu envie d'écrire ce livre pour montrer à quel point ce que la beau nous fait peut nous aider à vivre.
( p.15)
C'est notre émotion qui fait le lien entre ce qui est montré et ce qui ne l'est pas.
Sur un plan moral par exemple, ainsi qu'Emmanuel Kant le montre dans la Critique de la raison pratique, il n'y a de grandeur à faire le bien que parce que cette bonne intention n'est pas naturelle, que parce qu'elle se heurte à la résistance de notre égoïsme spontané. Si nous étions programmés pour faire le bien, alors il n'y aurait aucun mérite à le faire : c'est parce qu'il est difficile d'être moral qu'il est digne de se forcer à le devenir.
Contempler un beau paysage, c'est en faire partie. Voilà la force de la beauté : elle nous rappelle que nous pouvons habiter le monde.
Là est justement l'enjeu de la multiplication des expériences esthétiques . accepter de se laisser tenter par d'autres valeurs, d' autres croyances, d'autres visions du monde.
Si le désir de comprendre élève l'homme, l'obsession de tout expliquer risque de le rabaisser. Pire, de lui interdire le bonheur.