Blonde à forte poitrine

L'une d'entre elles lui a même appris à compter les billets. Et les filles, enchantées, lui font manipuler les liasses d'argent sale que ses doigts d'enfant tâchent d'innocence. (p51)

Le procès va durer des années, ce sera l'affaire dont on débat dans les dîners en ville. Mérite-t-elle au moins une part de l'héritage du vieux?
Le fils veut la déshériter complètement.
A combien a-t-elle droit, après seulement quatorze mois de mariage? Le milliardaire avait-il toute sa tête lorsqu'ils rédigèrent le contrat prénuptial?
L'avocat de la fille lui a promis monts et merveilles.

N'avait-elle pas été une bonne épouse? N'avait-elle pas bercé son mari contre son cœur jusqu'à son dernier souffle? Pleuré son mari avec de vrais larmes? Naïve, bête, conne.

Ceux qui sont convaincus qu’elle cherchait avant tout l’admiration du plus grand nombre, les fans, les paillettes et les crépitements des flashs se trompent. Elle voulait être aimée, entourée et choyée. La célébrité procure parfois l’illusion de cela.

L'enfant gardera un souvenir traumatique de cette journée d'orage et de la nuit qui a suivi, de cette chambre de motel, de la douleur muette de sa mère, sa mère qui avale les médicaments par quatre et se laisse tomber sur le matelas comme une souche morte, sa mère qui ne sait pas se battre.

Tommy est devenu une sorte de mascotte adorée, protégée du monde des hommes par des fées nues comme des vers.

À l’adolescence, ses tétons s’étaient durcis, ses seins avaient pointé sous ses tee-shirts, ses hanches s’étaient élargies, mais elle ne s’était jamais appartenu. Son corps avait souvent chaud, le sang lui montait aux joues, ses oreilles viraient au rouge violacé sans qu’elle puisse se l’expliquer ; parfois, des frissons lui parcouraient le dos.
Dès qu’ils la voient, les hommes sentent qu’il serait facile de profiter d’elle, de couper à la racine la belle plante grasse et fragile. Sa peau douce et laiteuse, ses cheveux blond cendré, tout en elle inspire un désir de domination. La fille réveille le tyran qui sommeille, donne l’impression à chacun qu’il pourrait la prendre. Elle est un trophée magnifique, un rêve, un grand chiffon de poupée qui ne sait pas dire non.

Ils veulent lui construire une histoire, une mythologie, elle répond à leurs questions pour leur faire plaisir, elle est dépassée. Des journalistes malintentionnés interrogent ses anciens camarades de classe, les clients de la friterie de Fairfield, on fait courir sur son compte les bruits les plus divers, la rumeur roule et enfin, elle est lunatique, fantasque, a des exigences de diva - tout ça pour une envie de pizza? Ils sont unanimes, la blonde a toujours su qu'elle deviendrait célèbre.
Elle se sent lasse, ne sais même plus pourquoi elle est là.

Elle est épuisée, elle est une coquille vide. Ils l’ont privée d’elle-même, ils la touchent, la pelotent, la manipulent, la placent, la déplacent. Son corps est épilé, massé, crémé, poudré, maquillé, tordu, cambré. On la fait s’asseoir, s’allonger, on la palpe, on la mate, on la regarde, on lui fait prendre des poses lascives quand tout en elle se tend discrètement. Et soudain, elle explose, n’en peut plus, n’importe qui fera l’affaire.

Elle foutait sa vie en l’air, avait dit sa mère. De quelle vie parlait-on ? Depuis des années, Vickie assistait, spectatrice, à son reflet se mouvant dans la glace, à son corps changer. Ses tétons s’étaient durcis et ses seins avaient pointé sous ses tee-shirts d’adolescente, ses hanches s’étaient élargies, mais jamais elle ne s’était appartenu.