Quelqu'un glisse à l'oreille de Paul :
"Elle a ce timbre de voix car, à vouloir faire monter son chant aussi haut que ceux des oiseaux, elle est devenue corbeau."
Seule l'écriture peut transcender l'amertume.
De la pièce attenante, monte un babillement d'enfant. Sa fille Hyacinthe la sort de ses rêveries. Elle écoute. Puis se détourne. La maternité n'est pas un destin pour elle.
Lorsque vous m'aurez rencontrée, vous pourrez dire que vous ne m'avez jamais connue."
L'orgueil lui sert de maintien.
Ses textes ont l'apparence d'un conte de fées, ourlés d'une réelle perversité. Rien d'étonnant si les surréalistes ont instantanément reconnu une des leurs, eux qui exploraient des chemins de traverse où l'amour et le vice sont liés.
Par "les mouvements divins de l'amour", elle repousse sa mélancolie et touche au merveilleux espéré. Et là se cache certainement le souvenir d'une petite fille révoltée, privée de l'amour sincère de ses proches et surtout de sa mère. Élevée dans la solitude, avec comme seules amies une flaque de boue et une grande bibliothèque.
Elle connaît son pouvoir. La séduction est un talent bien utile...Elle brasse garçons et filles. Quelle importance, le masculin, le féminin ? Tant qu'on a le charme d'une banale conversation transformée en instant unique.
Le face à face mère fille prend vite des allures de duels. Elles ne se comprennent pas. Les digues cèdent, la haine s'installe. Le jour du premier mariage de sa fille, Victoire brûle ses livres erotiques. Et suivront des années d'acrimonies.
Adulte, Lise écrira des histoires délicieusement terrifiantes. Il faut imaginer Charles Perrault adepte de Sade, une Mme Leprince de Beaumont faisant des bras d'honneur à la bienséance.