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Critique de Darjeelingdo


« En 1793, les tricoteuses des Clubs et les malheureuses qui méritèrent le surnom de Furies de la guillotine ont épouvanté le monde […] Celles qui sont ici sont les filles des mégères de 1793 ! »
Ainsi parle le Commissaire du Gouvernement le 5 septembre 1871 au Conseil de guerre de Versailles devant lequel comparaissent un certain nombre de femmes , les « pétroleuses  » accusées d'avoir incendié Paris lors de l'écrasement de la Commune par l'armée versaillaise. Plus de mille femmes furent déférées devant le Conseil de guerre et parmi elles, une qui attend son procès en prison et qui va bientôt rentrer dans l'Histoire : Louise Michel.

Judith Perrignon a choisi de dresser le portrait de celle qui est devenue l'égérie féminine et féministe de cette «  guerre civile » si mal traitée dans nos manuels, à travers l'histoire de la fin du XIX e siècle. Les soixante douze jours de la Commune, d'abord : «  Ils ont voté la séparation de l'Eglise et de l'Etat, l'école laïque, l'abolition de la peine de mort, les coopératives ouvrières, la journée de travail à 10 heures, la réglementation du travail de nuit, la légalisation du divorce… […] Ils n'ont pas pu faire le quart de ce qu'ils espéraient faire » avant que la semaine sanglante ne mette fin à leurs aspirations.

Parmi ces communards, Louise Michel .
Louise Michel, institutrice, révoltée par la misère, insoumise, militante infatigable des droits des femmes (comme des Kanaks qu'elle va côtoyer en Nouvelle Calédonie ), anarchiste jusqu'à la fin de sa vie, mais aussi écrivaine, poétesse qui entretient une correspondance avec Victor Hugo qu'elle admire depuis sa jeunesse. Louise Michel condamnée comme les autres femmes à purger sa peine au bagne de Nouvelle Calédonie et qui refuse tout traitement de faveur et amnistie personnelle. Autour d'elle, on retrouve quelques figures de la vie politique de l'époque : Jules Ferry, Clemenceau, Rochefort, et Hugo bien sûr.

Mais on trouve surtout tous ces rapports de police, ces billets transmis par les multiples indics qui la traquent dès son retour du bagne et entre deux séjours en prison, et qui ne la lâcheront pas jusqu'à sa mort. Car Judith Perrignon ne s'est pas contentée d'une biographie classique, ni des Mémoires rédigées en prison par Louise Michel elle-même. Elle a longuement fréquenté les archives et méticuleusement épluché tous ces documents : archives d'outre-mer pour les dossiers des bagnards, archives de l'Arsenal sur le monde ouvrier , archives de la préfecture de police, enfin, dont elle nous restitue si bien l'atmosphère qu'on a l'impression d'ouvrir nous aussi ces boîtes …

Et la journaliste de conclure : «  Je n'ai jamais aussi bien compris le système politique et économique dans lequel j'ai grandi, qu'entre ces murs et ces boîtes poussiéreuses. Tant de choses se sont jouées en cette fin du XIX e siècle. Que je sois plongée dans les procès de la Commune, ou dans l'organisation des obsèques d'Hugo, j'y ai vu la République méticuleusement briser l'élan des utopies au nom de l'ordre économique , jusqu'au désenchantement et à la décomposition actuelle. »

Cinquième livre que je lis de Judith Perrignon et, même si ce n'est pas mon préféré de l'auteure, j'ai retrouvé dans celui-ci ce qui m'avait séduite dans les précédents. L'autopsie d'un personnage ou d'un lieu et d'une époque, un regard journalistique qui sert de base à l'écriture d'un récit qui peut prendre la forme romanesque, la plongée dans l'Histoire pour éclairer le présent et réfléchir à l'avenir.

Un grand merci aux éditions Grasset et à Babelio pour cette lecture.
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