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Critique de Merik


Merik
25 novembre 2023
La Commune, une révolution parmi d'autres dans le fil contestataire qui grondait depuis un siècle déjà, délaissée dans les manuels scolaires, mais considérée comme une des premières à l'accent féminin prononcé. Des femmes surnommées les pétroleuses, vues comme des incendiaires ou de simples exaltées par ceux qui les jugeront en Conseil de guerre. Elles sont pourtant nombreuses, mais une personnalité se détache en figure de proue : Louise Michel.

La Vierge rouge, la Sarah Bernardt noire, comparée à Jeanne d'Arc par Verlaine, adoubée par Victor Hugo, elle était déjà renommée de son vivant mais c'est aussi parce qu'elle s'est écrit que l'on peut mieux cerner sa personnalité depuis et qu'elle nous parvient en icône de la Commune aujourd'hui, sûrement aussi grâce à sa correspondance avec Victor Hugo, pouvant aller jusqu'à prendre le dessus sur le reste de sa vie, comme à sa station parisienne éponyme. Et puis Louise Michel était « un personnage d'Hugo qui avait échappé à son auteur », elle s'invente dans ses écrits en sublimant sa vie, lui donnant même un relief poétique au bagne de Nouvelle-Calédonie.
Rien ne la prédestinait pourtant à tout cela, elle l'enfant sans père identifié, traitée néanmoins comme « la demoiselle du domaine » où travaillait sa mère, car la rumeur disait qu'elle était la petite-fille des maîtres. Elle deviendra une institutrice engagée après une enfance passée dans la rêverie, refusant à ses élèves les prières à l'empereur, lui préférant les chants de la Marseillaise. le reste on le connaît, la Commune où le procès de toutes ces femmes « menait à elle », le bagne, et le retour avec « sa colère  qui est son oxygène », toujours et encore surveillée dans « sa croisade sociale »

Il ne faut pas s'attendre dans ce récit à une lecture en mode page-turner malgré la chronologie respectée dans ses grandes lignes, une lecture qui serait lisse et débroussaillée des aléas de la recherche journalistique. On est quand même dans la bio d'une anarchiste de la Commune partiellement enterrée aux Archives. Judith Perrignon y est allée, sur les traces de la future anarchiste en photographiant les documents au besoin, étonnée par « ces papiers vieux de plus d'un siècle qui glissent dans ma mémoire numérique », même si les phrases de Louise Michel ne lui paraissent pas anachroniques. La journaliste farfouille ainsi dans les boîtes, extrait aussi des passages des Mémoires de Louise Michel, fait parler la correspondance avec Victor Hugo, convoque des spécialistes qui se sont exprimés sur le sujet, interrompt par les questions du juge à Louise Michel durant ses procès, agrémente son récit d'éléments journalistiques voire personnels liés à sa quête.

Et cela donne les contours d'un récit rythmé par différents points de vue, mais un récit vivant et émouvant, tant dans la plongée historique que dans la quête journalistique. Un récit à plusieurs cordes, palpitant de vie dans les papiers dépoussiérés, et qui profile la silhouette historique d'une icône féminine de la Commune, également avant-gardiste, au point de retentir avec une sensation de proximité plus d'un siècle après.

« La presse de Versailles accusa les pyromanes, « pétroleurs » et « pétroleuses », puis subitement, très vite, le masculin a disparu, le mot s'est figé au féminin. Il permettait de ramasser en trois syllabes toutes ces femmes de la révolution, de les ramener à des pulsions destructrices et échevelées, d'en faire des viragos, des mégères, de les dépolitiser, car les femmes ne pensent pas »
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