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Critique de Pasoa


Lire la poésie de Saint-John Perse m'a fait entrer dans un monde à part, dans quelque chose qui démarque de ce que j'ai pu lire de poésie.

Écrit en 1945, alors que le poète résidait dans l'État du Maine aux États-Unis, son recueil Vents retrace l'histoire de l'Amérique, les mouvements migratoires qui l'ont traversée au travers du temps. Ce sont les migrants qui quittent l'Europe pour l'Amérique et ses espaces immenses. Vents, c'est aussi les premiers essais nucléaires dans le désert de l'Arizona en 1944. Après la Seconde guerre mondiale et Hiroshima, quel peut-être le rôle du poète ? Est-il possible de faire venir une parole qui porte en elle la possibilité d'un monde nouveau ?


« Mais c'est de l'homme qu'il s'agit ! Et de l'homme lui-même quand donc sera-t-il question? - Quelqu'un au monde élèvera-t-il la voix ?
Car c'est de l'homme qu'il s'agit, dans sa présence humaine ; et d'un agrandissement de l'oeil aux plus hautes mers intérieures.
Se hâter ! se hâter ! témoignage pour l'homme ! »


De ce beau recueil, j'ai fait une lecture à double niveau.

Ce qui est singulier dans la prose de Saint-John Perse, c'est le recours à une polysémie, à une succession de strates du récit, c'est aussi la richesse du vocabulaire, la quantité de références contenues dans ses poèmes. Récit lyrique autant qu'épique (sans héros), Vents a quelque chose en soi de vraiment fascinant.

Le deuxième niveau de lecture, plus subjectif celui-ci, ne s'est pas complètement retrouvé dans l'écriture de Saint-John Perse. J'ai été un peu dérouté par son ton emphatique, par la surabondance de références, de termes techniques utilisés. À vouloir nommer toutes choses, à vouloir une poésie où seule la réalité est en cause, la ferveur et le lyrisme du début semblent s'épuiser, porter en eux un effet de saturation.
Il y a quelque chose d'altier dans l'écriture de Saint-John Perse, un sentiment qui semble être à proportion de la fragilité et de la vanité que lui inspirait le monde dans lequel il vivait alors.


« de hautes pierres dans le vent occuperaient encore mon silence. Les migrations d'oiseaux s'en sont allées par le travers du Siècle, tirant à d'autres cycles leurs grands triangles disloqués. Et c'est milliers de verstes à leur guise, dans la dérivation du ciel en fuite comme une fonte de banquises.

Aller ! où vont toutes bêtes déliées, dans un très grand tourment de l'aile et de la corne... Aller ! où vont les cygnes violents, aux yeux de femmes et de murènes...

Plus bas, plus bas, où les vents tièdes essaiment, à longues tresses, au fil des mousses aériennes... Et l'aile en chasse par le monde fouette une somme plus mobile dans de plus larges mailles, et plus lâches... »


Cette poésie si singulière n'en demeure pas un fabuleux exercice d'écriture. Elle contient en elle une exaltation, un rythme qui porte en lui la force de vents parfois contraires, impétueux mais qui atténués, apportent une parole poétique sans pareil.


« Et le Poète aussi est avec nous, sur la chaussée des hommes de son temps.
Allant le train de notre temps, allant le train de ce grand vent.
Son occupation parmi nous mise en clair des messages. Et la réponse en lui donnée par illumination du coeur.
Non point l'écrit, mais la chose même. Prise en son vif et dans son tout.
Conservation non des copies, mais des originaux. Et l'écriture du poète suit le procès-verbal.
(Et ne l'ai-je pas dit ? les écritures aussi évolueront. - Lieu du propos: toutes grèves de ce monde.) »


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