Citations sur Les Terres animales (30)
Notre pacte de Faust, comme me l'a dit un jour Lorna, la quasi-certitude de finir nos jours plus tôt que la moyenne (quasi, car il y en a pour continuer à croire en leur bonne étoile) contre des vacances perpétuelles. Et, contre l'absence totale de sécurité et le devoir de se protéger en permanence, ce temps libre qu'on scinde à l'envi, dans des kyrielles d'heures essentielles. Étrange sentiment. On ne se rue pas sur ce temps, on ne le brûle pas, alors qu'on le pourrait, on respecte la vie, sans exagération, en s'offrant seulement des parenthèses comme aujourd'hui.
On survole un territoire qui n'est que bleus, des bleus résineux, huilés, des trous bleus qui dévorent la lumière, des bleu horizon, des Prusse, des Charron, parfois des ondées de bleu barbeau, qui semblent plus claires.
66. Notre existence a beau être limitée, forcément limitée, je crois qu'on a pas envie de vivre dans un capharnaüm ou plus rien n'aurait d'importance. Les choses qu'on range seront là demain, et c'est déjà une bonne raison d'y prêter attention.
Pense aux tranchées, mec. On est dans une putain de tranchée. On est comme eux. On sait que désormais c'est là que ça se passe. On sait qu'on va se faire dégommer, qu'on sorte, qu'on reste, mais c'est trop tard pour faire quoi que ce soit d'autre.
Avec Marc, on n’a jamais été des écolos. On voyait cette centrale de loin, elle ne nous dérangeait pas plus que ça. Il y avait la forêt entre elle et nous, des hectares de bois et de silence, cela nous semblait bien suffisant.
Au fil des rencontres ,cela reste animal.Nous ne nous promettons rien.Nous nous contentons de notre corps-à-corps,deux trois fois par semaine. Nous n'allons pas nous vendre une autre vie,là où nous en sommes .Pas plus fantasmer sur ce week-end en amoureux .On ne peut pas sortir de la zone .Et je ne crois pas que nous soyons tellement amoureux.
Et maintenant ,il y a cet enfant.( Page 112).
Il y a ainsi des moments où l'on comprend pourquoi on vit avec quelqu'un, et pourquoi on l'aime.
"Nous vivons de peu, nos corps se sont habitués. Nous vivons comme l'humanité aurait dû vivre depuis longtemps, comme ces hommes, au Bangladesh ou ailleurs, qui le font bien, et montrent si peu de besoins."
Pense aux tranchées, mec. On est dans une putain de tranchée. On est comme eux. On sait que c'est désormais là que ça se passe. On sait qu'on va se faire dégommer, qu'on sorte, qu'on reste, mais c'est trop tard pour faire quoi que ce soit d'autre. Ce sont les tranchées qui nous obligent. Rien d'autre.
On ne soupçonne rien. C'est le plus terrible de cette vie. Se dire qu'on ne voit rien, et quand on ne voit rien, et quand on voit il est trop tard. On ne discerne pas les radiations. Tout est normal. Bien trop normal, et c'est là le vertige.