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Critique de montmartin


Entre Joanne Miller la fille de l'épicier et Thomas Linaker le fils du médecin, le dérapage s'était produit un soir sur un parking, dans l'exiguïté du siège d'une Pontiac, une petite Brianna toute joufflue était née neuf mois plus tard. Voilà comment Joanne était devenue une bourgeoise de Modesto, elle était la joie de vivre incarnée. Elle éprouvait une vraie passion amoureuse pour son mari. Joanne n'avait jamais connu la violence ; un coup rapide donné dans la roue arrière de son vélo, une chute, un choc si violent et un marginal drogué qui lui tire le sac qu'elle portait en bandoulière.

Son quotidien si harmonieux est cassé, elle passe ses nuits à se remémorer cette attaque et voilà Joanne qui bascule, qui dégringole. Elle se retrouve en cellule de dégrisement au poste de police. Et son mari qui prononce cette phrase terrible : « tu me fais peur chérie, et tu fais peur aux enfants. » Alors Joanne décide de s'en aller de leur vie pour qu'ils puissent regagner l'équilibre qu'elle leur a fait perdre.

Qu'est-ce qui fait qu'un jour, quelqu'un décide de disparaître ? Qu'est-ce qui fait que ce suicide social soit la seule voie possible ? Comment une mère peut-elle quitter son foyer, laisser ses enfants derrière elle, sans se retourner ?

« La maternité, sacrée entre tous les liens humains, faisait de la fuite le plus incompréhensible des abandons, le plus impardonnable. On aurait davantage compris un suicide physique. La mort absout de bien des choses. »

Las Vegas est la ville idéale pour se perdre, et la ville va absorber Joanne immédiatement, au fil des mois elle va se couler dans la cité du péché et devenir la reine du cocktail.

« Elle avait fait ce en quoi elle était passée experte : édifié les barrages, fermé les écoutilles, mis en vacance l'hémisphère droit de son cerveau, celui des émotions. Elle avait basculé toute sa mécanique sur l'hémisphère gauche, celui de la raison, le côté binaire où une question n'avait qu'une réponse, point. »

Laurence Peyrin nous dresse le portrait d'une femme attachante qui voit sa vie dérailler suite à une agression, qui perd complètement pied. L'auteur sait parfaitement décrire toutes ses émotions, sa culpabilité, son envie d'oublier, de se reconstruire, de renaître. Elle va se retrouver barmaid dans club de strip-tease, un havre de paix pour les âmes perdues, celles qui ont connu une mauvaise fortune de vie, où Harvey et Thelma les patrons essayent de restaurer le vivre-ensemble. L'occasion pour Laurence Peyrin de nous faire partager le quotidien des danseuses, Beverley, Rita, Mandarine, Sally-Kim, Rosario, toutes ballottées ont échouées dans ce club, brisées par leurs rêves perdus. Comme Joanne, le lecteur va peu à peu découvrir le destin tragique de chacune, et puis il y a Silas Jones le jeune guitariste plein de délicatesse.

Le parcours de cette femme qui part à la rencontre d'elle-même est un vrai régal, l'écriture, l'histoire, les personnages secondaires, tout se sirote voluptueusement comme les cocktails que l'on trouve en tête de chaque chapitre.

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