Est-ce que je suis envahissante ?
-Terriblement, lorsque tu n’es pas là.
- Mais quand même, tu ne trouves pas... frustrant de ne pas avoir de métier ? Je ne sais pas, moi, tu pourrais être avocate, journaliste ou écrivain, avec ton fabuleux sens de la répartie. (Brianna grimaça.) Autant que cela serve, quoi.
Joanne s'adossa à l'évier, prenant le temps de resserrer une nouvelle fois sa ceinture, croisant tranquillement les bras.
- Avocate, journaliste, d'accord, dit-elle, les yeux dans ceux de sa fille. En fait, tu n'envisages que les métiers qui servent ta cause. Et pourquoi pas restauratrice, tu as pu constater que je savais très bien cuisiner, ou libraire puisque je lis au moins deux livres par semaine sur à peu près tous les sujets, et ça, ça me plairait à moi. Même si cela ne bouleverserait pas l'équilibre du monde. (Elle sourit.) Brianna, je suis fière de toi, de tes ambitions. Ton père et moi sommes tous les deux fiers de toi. Mais il faudrait que tu admettes qu'on peut être heureux de différentes façons. Et que le bonheur ne rend pas forcément idiot. Personnellement, je suis très heureuse de m'occuper de vous et de cette maison, de cuisiner et de lire. J'ai pu me construire à ma façon, et crois-moi ma chérie, j'ai dû commencer tôt.
« Est - ce que je suis envahissante ?
—— Terriblement , lorsque tu n’es pas là » …
ROMAIN GARY : CLAIR DE FEMME .
Tous ces gens de l'autre côté du pare-brise, comme une réclame au cinéma.
Recluse dans sa voiture, spectatrice de la naïveté des autres? Joanne savait bien, elle, que la vie était un leurre.
-Est-ce que tu m'as déjà trompée ?
- Non
- Tu me le dirais ?
- Non.
- Mais alors...
- Mais je ne te mentirais pas. Je ne te le dirais pas, parce que je trouve égoïste de se délivrer d'un fardeau sur le dos de quelqu'un, sous prétexte d'honnêteté. Mais si tu me le demandais, je ne te mentirais pas. Tu viens de me le demander, je te réponds non. Je ne te mens pas.
La maternité, sacrée entre tous les liens humains, faisait de la fuite le plus incompréhensible des abandons, le plus impardonnable. On aurait davantage compris un suicide physique. la mort absout de bien des choses.
« Il paraît que lorsqu’un deuil est accompli , que la souffrance a cessé de hurler , il ne reste que l’impression du bonheur .
Un jour viendrait où la pensée de sa fille la ferait sourire , simplement » …
Si on y réfléchissait, le Bunny Bunny était une sorte de Good-will des âmes perdues : on y recyclait toutes les émotions de première nécessité, celles qu'on avait perdues par une mauvaise fortune de vie, ou celles qu'on n'avait jamais eues. l'intérêt, la joie, la confiance, l'acceptation... on y restaurait le vivre-ensemble.
Sans présager ces jours mélancoliques où des flics blasés monteraient la garde aux carrefours, une boîte de donuts sur les genoux pour tuer le temps, les garçons profitaient de cet âge d’or et briquaient leurs capots en reluquant les filles – et cela finissait souvent sur la banquette en cuir fraîchement repiquée.
C’était l’époque où le rock’n’roll sexualisait les nymphettes, où Chuck Berry célébrait leur éveil dans Sweet Little Sixteen, où Jerry Lee Lewis faisait scandale en épousant sa cousine de treize ans, et où le déhanché d’Elvis « the Pelvis » envoyait valdinguer les vœux de virginité des jeunes filles, dans la frénésie moite des samedis soir au dancing du coin.
"Elle était dure avec lui et s'en voulait aussi sec,pressant son bras. Mais le visage de son mari penché sur ce qu'elle imaginait une terre ravagée la génait atrocement. Tu ne vas plus m'aimer à force, murmurait t -elle
Là je ne suis plus ton mari, Joannie, je suis ton médecin."