AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de audelagandre


Le 17 janvier 2019, Laurent Philipparie sortait un roman au titre bien étrange « Lectio Letalis » dans lequel il mettait en scène un livre doté de pouvoirs mystérieux : tous ceux qui le lisaient se donnaient la mort. L'écrivain mettait en lumière l'endoctrinement sectaire, « un pouvoir capable de contrôler tous les pouvoirs ». « Reikiller » est un titre tout aussi énigmatique qui aiguise la curiosité. Il renvoie à la pratique du Reiki, cet art énergétique japonais ancestral qui permet de rééquilibrer les énergies par imposition des mains en faisant circuler celles-ci entre l'émetteur et le receveur. L'âme et le corps, à nouveau en harmonie oeuvrent ensemble pour procurer du bien-être, et dans certains cas de possibles guérisons de maux très variés. Cette « énergie de l'esprit » plane sur la totalité du roman. D'abord à l'intérieur du cabaret le « Satyr Rieur » où Virginie, la patronne, le pratique presque fanatiquement, mais aussi dans les esprits de ceux qui s'y adonnent ou au contraire ceux qui le combattent. « Virginie était persuadée que la conscience générait des maladies ou des traumatismes afin de nous interpeller sur les obstacles à notre épanouissement. » Jenny, acrobate dans ce cabaret, est mariée à un gendarme, Didier. Ensemble, ils ont une petite fille, Luna, à qui l'on vient de diagnostiquer une tumeur très agressive. Pendant que Didier est plongé dans une enquête concernant la disparition de plusieurs touristes allemandes, Jenny, terrassée par la mort prochaine de sa fille est prête à tout tenter, y compris la pratique du reiki pour la sauver.

« Reikiller » est avant d'abord un roman d'ambiance : celle du cabaret. Au fil des spectacles et des répétitions, c'est une multitude de numéros qui défile sous nos yeux. Les mots sont choisis, les descriptions précises, les habits de lumière illuminent les pages. J'ai toujours eu une grande fascination pour les prouesses esthétiques de torsion du corps, et la beauté du spectacle des arts de cirque. Ambiance encore, puisque le roman se déroule dans le Périgord, ses grottes, le site des Eyzies, mais aussi ses mythes et légendes tels que le Lébérou. le château des Milandes, demeure de Joséphine Baker ajoute à cette atmosphère déjà mystique, un brin de nostalgie historique. Rajoutez à l'endroit un ciel voûté par les pouvoirs du Reiki et vous aurez l'impression d'entrer dans un songe.

« Reikiller » est ensuite un roman sur la force du mental. Deux clans s'y affrontent : ceux qui croient à la puissance de l'esprit sur le corps en pratiquant le reiki, et ceux qui n'y croient absolument pas. Laurent Philipparie avait déjà exploré les dérives sectaires dans « Lectio Letalis », une thématique qui semble le passionner. À travers le personnage de Jenny, il démontre combien l'être humain poussé dans ses retranchements, victime d'évènements traumatiques peut facilement se retrancher derrière des idéologies auxquelles il n'accordait, avant, que peu de crédit. L'être humain a besoin d'espoir pour avancer et sans cet espoir, il dépérit. Malheureusement, cette quête peut aussi l'amener à suivre des chemins de traverse extrêmes, faisant fi de toute rationalité. Si les bienfaits des médecines alternatives sont prouvés, il faut raison garder.

« Reikiller » est un roman hypnotique, un savant mélange des genres qui en fait une lecture immersive et totalement dépaysante. Si parfois le lecteur a l'impression de s'égarer en se demandant où l'auteur l'emmène, Laurent Philipparie sait parfaitement, lui, où il va. En brouillant les cartes, entre médecine traditionnelle et médecine dite parallèle, contes populaires et réalité criminelle, « famille » au sens large et cellule familiale plus restreinte, il nous emmène lentement vers une réalité historique méconnue dont Joséphine Baker est la clé de voûte. Ce récit, protéiforme, aborde avec un certain brio différentes thématiques dont le dosage prouve la maturité d'écriture de l'écrivain. Par rapport à son précédent roman, j'ai senti une plus grande confiance en lui, des choix narratifs assumés, et un vrai travail de construction qui ose différents angles d'approche sans jamais se perdre. de quoi happer suffisamment le lecteur pour le garder sous son joug…

Je remercie les éditions Plon et Babelio de leur confiance.

Lien : https://aude-bouquine.com/20..
Commenter  J’apprécie          60



Ont apprécié cette critique (6)voir plus




{* *}